Cher James,
Il y a quelques années nous nous étions rencontrés une première fois, au hasard d'un programme universitaire. J'étais passée te prendre assez tard, j'étais en retard pour tout te dire, ta conversation m'a agacée. Je te trouvai alors prétentieux, passant du coq à l'âne, souvent je ne retenais rien de ce que tu disais. Ton style variant toujours, je décidais que tu étais inconstant et que vraiment, ce n'était pas le moment de venir m'ennuyée avec tes considérations égotiques.
Et puis, il s'en est passées des choses avant que de nouveau, l'université encore une fois me force à te revoir. Assez traumatisée je dois dire par notre première entrevue, je décidais, à l'inverse d'il y a cinq ou six ans, de commencer mon voyage en m'arrêtant à ta porte, à vrai dire dans l'idée d'en être débarrassée au plus tôt. Seulement cette fois-ci, ayant plus de temps pour t'écouter, t'observer, plus de maturité pour te comprendre et enfin t'admirer, tu m'as fait chavirée.
Cher Joyce, voilà, c'est dit! J'avais retenu de toi que tu étais pompeux, je te découvrais avant-gardiste; je pensais que tu n'avais pas de suite dans les idées, que tes changements de style incessants étaient les preuve irréfutables de ta folie douce, mais je me retrouvais à constater la beauté qu'il y a à sentir en ces changements l'évolution de ton héro. James, ton Stephen, je l'ai alors suivi avec un plaisir peu commun, la question de la création d'un artiste me devenant au fil des ans de plus en plus cher.
Par la suite, ce sont les spécialistes de ton œuvre que j'ai lu. Oui, moi qui les avais bêtement boudés alors, je décidais d'écouter ce qu'ils avaient à me dire à ton sujet. Ils ont éclairés d'une lumière encore nouvelle, aux milles reflets irisés, tes propos. M'enflammant pour certains sujets, je retrouvais grâce à eux ton opinion dessus. Je comprenais la valeur que tu accordais aux femmes, ton rapport torturé à la politique, à la religion, tes problèmes de conscience, la naissance en toi de cette âme d'artiste, ta recherche sur le langage....
Alors complètement sous le charme de ton roman, je décidais de m'essayer à ton Ulysse. Je n'ai pas réussi à le terminer, James, ne m'en veux pas. Je réessayerai d'ici quatre ou cinq ans.