La narratrice de A propos de ma fille est une veuve d'une soixantaine d'années dont la relation avec sa fille unique, à la situation professionnelle instable, se heurte à une incompréhension persistante : la mère ne peut pas admettre que sa fille puisse être homosexuelle. Le roman de Kim Hye-jin nous plonge dans les ressentiments et les pensées de cette femme, campée sur des valeurs traditionnelles qui ont guidé son existence, et viscéralement hostile au choix de vie de sa fille. Seule sa voix nous parvient et les paroles et les actes des autres, dont la compagne de sa fille, ne nous sont communiqués qu'à travers son prisme. C'est là la force émotionnelle du livre, qui nous oblige à essayer de comprendre les arguments de cette femme déboussolée, tout en ayant l'envie urgente de lui demander de se débarrasser de ses préjugés et de faire preuve d'un minimum de tolérance. Parallèlement, la romancière évoque de manière très réaliste le travail de son personnage principal dans une maison de retraite où elle se dédie à une patiente âgée et atteinte d'Alzheimer, tout en se battant contre une administration sans cœur et ne pensant qu'au profit. Le portrait de l'héroïne (si tant est que l'on puisse l'appeler ainsi) de A propos de ma fille est donc plus subtil qu'il n'y parait et témoigne à la fois du poids des conventions sociales et de la complexité de l'âme humaine. Il peut parfois y avoir un sentiment de tourner en rond dans le cerveau de la mère mais le livre a l'intelligence de se terminer sur une note plus ou moins apaisée qui laisse au lecteur le soin d'imaginer ce qu'il adviendra dans le futur.