Jean Folantin est un obscur petit fonctionnaire, employé d’un ministère quelconque. L’homme est terne à souhait, célibataire, seul, aux revenus plus que modestes qui l’obligent à vivre en spartiate. Confiné aux pires gargotes de la rive gauche, aux viandes dans lesquelles les meilleurs couteaux peinent à mordre, aux sauces figées. Confiné entre ses quatre murs nus, les onéreuses distractions de la capitale nouvellement redessinée par le baron Haussmann lui sont interdites.
Jean Folantin s’est habitué à sa médiocrité. Privé de la vie d’extérieur, il en a peu à peu perdu le goût. Déprimé, il se montre incapable d’agir, incapable de réagir, ne quittant plus son humble demeure, sa retraite, son havre qu’à regret.
Mais Jean Folantin est lucide. Il ne se berce d’aucune illusion, ne se ment pas dans l’espoir d’accepter son sort miséreux. Il sait qu’il a raté sa vie et qu’à l’approche de la cinquantaine il est trop tard pour lui. Car dans une ultime convulsion, un ultime soubresaut de bête à l’agonie, il a tenté de s’extirper de son insignifiance. Il a tenté de s’entourer d’autres humains, de sortir, de déjeuner à d’autres râteliers : de renouer avec une société qu’il avait perdu de vue. L’échec fut retentissant.
Accepter le destin, s’abandonner à l’anorexie qui guide son existence, se contentant de doses homéopathiques de nourriture, de culture et de société. Se laisser aller à vau-l’eau et attendre la fin sans coup férir. Une renonciation complète d’un être au final attachant.
Une écriture teintée d’un certain lyrisme propre au XIXe et en même temps d’une étonnante modernité. Des situations tantôt graves, tantôt drolatiques. Une nouvelle inscrite dans le mouvement décadent qui me rappelle un peu les diaboliques de Barbey-d’Aurevilly et qui me donne envie de connaître un peu mieux l’auteur.
BibliOrnitho
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le 25 mars 2014

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