Chronique d'un naufrage annoncé...
Ce beau pavé de 1200 pages est typiquement le genre de livre que l'on veut avoir avec soi en vacances, tandis que le soleil vous caresse la peau et que vos soucis se font chier tous seuls à taper la belote dans la maison désertée 1000 km plus au nord. Car c'est une lecture d'une extrême facilité, une intrigue qui vous happe sans problème et on le dévore somme toute très vite. Le bouquin de vacances, je vous dis, et plaisant avec ça.
L'histoire est simple: les animaux de l'océan développent une agressivité nouvelle envers les humains, signe avant-coureur d'une plus large catastrophe.
Je dois avouer avoir été bluffé par les cinq cent premières pages qui démarrent sur des prémisses intrigantes, et qui vous entraînent dans une enquête scientifique de haut vol au fond des océans (hum..) La narration de Schätzing est totalement visuelle, construite comme un script de cinéma. On saute de scène en scène, de continents en continents, à la recherche de mystérieux vers, et d'indices troublants sur un dérangement possible du comportement des animaux marins. Les dialogues complexes (on parle science, ici) sont traversés de remarques d'une banalité rassurante qui permet de visualiser chaque détail de l'action. On ne m'otera pas l'idée que l'auteur espère l'adaptation à Hollywood. :-)
La partie scientifique est très bien traitée, on se rend vite compte que l'auteur nous sert des faits réels,et brode sur des hypothèses qui existent. Il arrive à rendre très intéressant ses dialogues sur les hydrates, le méthane, les plateaux continentaux et les annélides. Beaucoup (trop) de recherche de la part de l'auteur, mais c'est bien moins rébarbatif qu'il n'y parait :-)
Cela donne un livre assez passionnant, très facile à lire en dépit du vocabulaire scientifique qui inonde certaines sections. Un petit blockbuster qui vous visse à votre chaise, et qui ne vous demande qu'un minimum de concentration, tant le travail est mâché pour vous. Easy reading.
Malheureusement, les cinq cent dernières pages souffrent elles quelque peu du syndrome de tous les blockbusters: le mystère ne se résout qu'au prix d'un sensationnalisme tapageur qui vous noie dans des clichés et des scènes que l'on a déjà tous vues au cinéma. Là où le roman avait construit de bons personnages, très documentés, et des hypothèses très fortes et bien amenées, l'intrigue se remplit soudain de scènes incongrues, de dialogues bizarres venus des pires nanards.
L'auteur se perd dans une mystique assez grotesque à base de recherches wikipédiées sur le chamanisme et le Grand Nord. (Revois "Nanouk l'eskimau"! avais-je envie de lui crier,tu verras que c'est moins fleur bleue tout de suite) C'est bien de vouloir instiller de la spiritualité dans un roman de SF, mais Schätzing manque totalement de subtilité dans son effort :-) Certains passages font franchement sourire. (Comme sont hilarantes certaines positions politiques exprimées par les méchants américains.)
La fin du roman se rattrape (ou sombre encore, ça dépend de votre indulgence) par son action frénétique et quelques idées bien senties sur le rôle alternatif de l'ADN et sa réflexion intéressante sur le décentrement inexorable de l'être humain, devenu maillon faible de la chaîne écologique et fossoyeur de son écosystème.
Un bon roman dans l'ensemble, qui vous transporte facilement dans ses méandres, que je recommanderais pour sa valeur de distraction, son approche éducative, ses petites fulgurances et bine sûr son credo écologique,mais dont je sors un peu navré par certains clichés trop faciles et par le naufrage un peu annoncé de l'intrigue principale.