On dirait qu'il y a plus de choses à dire autour du roman que sur le roman lui-même, tant les circonstances de son écriture et de sa publication forment une véritable matière, alors que le récit de fiction ne recèle pas d’extraordinaires qualités.


Cette autobiographie à peine déguisée (quoique magnifiée à certains endroits) relate la rencontre du célébrissime couple Fitzgerald, jusqu'à la décision de Zelda d'abandonner la danse. On est donc loin d'avoir là un témoignage complet de la vie de Zelda, d'autant que ses moments de crise et ses différentes périodes d'internement en hôpital psychiatrique sont éludés. Or le roman a justement été écrit pendant une période d'internement, et Zelda fut encouragée par un de ses médecins à écrire, à des fins thérapeutiques. On ne sait si cette forme d'art-thérapie fonctionna réellement, Scott ayant piqué une véritable colère en apprenant que Zelda écrivait sur sa propre vie : car lui-même, qui avait toujours fait de Zelda et de leur vie commune son sujet principal, la matière première de sa littérature, ne supportait guère, bizarrement, qu'elle se les approprie également... Le fait que le propre éditeur de Scott avait accepté de publier le roman de Zelda n'avait évidemment pas arrangé les choses. Mais surtout, Scott travaillait sur Tendre est la nuit depuis longtemps et voyait (à mon avis, à tort) le roman de Zelda comme un œuvre rivale, voire comme un affront. Scott se fit donc un devoir de dire à Zelda que son roman était nul et de la faire retravailler tout le texte. Il l'aurait apparemment poussée à supprimer des passages (peut-être est-ce pour cela que tout ce qui relève des internements est passé sous silence, je ne sais pas). On sait en revanche qu'il est compliqué de trancher à propos de ce que les époux Fitzgerald ont écrit à deux mains ou pas, à propos de ce qui est de Zelda uniquement ou de ce qui revient à tous deux. Ici, je dirais que peu importe pour le lecteur (mais pas pour l’historien de la littérature, évidemment). Il ne semble pas que Scott ait massacré un roman qui, tel qu'il se présente actuellement à nos yeux, n'offre pas un grand intérêt littéraire.


Zelda y relate la relation de couple compliquée qui fut la leur. Si le début - la rencontre - se lit aisément, dès la période du voyage de noces, les anecdotes sur leur vie commune s'amoncellent et deviennent très vite ennuyeuses. On ne peut pas dire que l’expérience personnelle ait été transcendée par l'écriture, loin de là. Je sauverai tout de même la troisième partie, celle sur la danse. Zelda se décida à étudier la danse très tardivement dans sa vie, décidée à devenir professionnelle, ce qui était une voie de garage. C'est sans doute cette période qu'elle relate avec le plus de sentiment, de verve, et qu'elle y déploie par courts instants un style qui aurait demandé à être exploité autrement, peut-être dans des poèmes. La décision de Zelda d'abandonner la danse y est très dramatisée, présentée comme inéluctable et due à des blessures, ce qui est assez différent de ce qui se passa réellement, puisque Zelda, tout de même engagée dans une petite compagnie, finit par décliner l'offre. Mais c'est justement parce que la version romancée est différente qu'on peut un tant soit peu comprendre que ce fut une grande douleur pour elle, ainsi que toucher du doigt le grand drame de sa vie, qui fut probablement de ne jamais trouver à exploiter son potentiel créatif, qui comportait pourtant bien des facettes.


Je conseillerai donc Accordez-moi cette valse uniquement aux personnes qui s'intéressent de très près à Zelda Fitzgerald, même s'ils n'y apprendront peut-être pas grand-chose. Ce qui reste de plus intéressant dans son écriture, c'est à mon sens sa correspondance (du moins ce que j'en ai lu), où elle déploie par moments un talent poétique et sombre loin d'être égalé dans son roman. Malheureusement, on n'a publié en France que quelques une des ses lettres insérées dans la correspondance de son mari. Je ne sais pas si elles ont jamais été publiées pour elles-mêmes aux États-Unis.

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le 13 mars 2019

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