Antoine Bello, descendant au 3e degré de Marcel Aymé, a publié son premier livre en 1996 aux éditions Gallimard. Sa trilogie de la falsification du réel est l’œuvre pour laquelle il a reçu le plus de reconnaissance. En 2016, il publie Ada, toujours chez Gallimard.
Californie, époque contemporaine. Frank, un flic « à l’ancienne » affilié à la Task Force spécialisé dans les personnes disparues, est chargé d’enquêter sur la disparition… d’un programme informatique, une intelligence artificielle nommé Ada qui a reçu pour instruction de rédiger une romance littéraire qui devra se vendre à 100 000 exemplaires. De prime abord cet intrigue semble prometteuse. Pourtant, la suite de l’histoire s’est révélée de plus en plus fastidieuse à lire.
Ce qui irrite dès le départ c’est la caractérisation des personnages. A titre d’exemple, notre protagoniste Frank Logan est un ramassis de clichés du roman policier : un vieux mâle blanc, policier intègre en butte (forcément) à une hiérarchie corrompue, qui n’est pas très à l’aise avec la technologie et voit d’un très mauvais œil le développement de l’IA. En somme, c’est la caricature d’un boomer, à ceci près qu’il chatouille la muse puisqu’il est passionné d’haïku. Et le reste de la distribution est décrite de la sorte ; ensemble ils forment un théâtre de pantins mal équarris, sans aucune originalité, et pour lesquels j’ai bien du mal à ressentir la moindre empathie.
Antoine Bello développe le sujet de l’IA et de son utilisation dans la production textuelle. Une grande partie du roman est consacrée à critiquer la prose d’Ada qui a publié une romance « Passion d’automne ». Cependant le développement de ses idées reste très superficiel, et on ne dépasse guère les lieux communs que le grand public peut avoir connaissance, alors que c’était l’occasion pour lui d’offrir une œuvre un tant soit peu didactique, ne serait-ce que pour expliquer sur quoi repose le test de Turing qu’on cite à l’envi sans jamais en expliquer les principes.
Il adopte un style volontairement déroutant, oscillant dans le même paragraphe du registre archaïque et jargonneux aux vulgarités les plus triviales. Ses personnages s’expriment de manières totalement invraisemblables. Ce constat m’a rendu la lecture inconfortable et je ne la conseille à personne.
Il y a une ironie qui n’échappe sans doute pas à son auteur ; c’est que ses personnages semblent se moquer du genre très codifié de la littérature sentimentale, alors que le roman se complait lui-même dans les stéréotypes du genre policier, avec ses rebondissements prévisibles et ses phrases toutes faites. Il joue avec les codes comme un enfant de 10 ans s’amuse avec des petites voitures ; c’est très amusant pour lui mais ça ne m’intéresse pas.
Finalement, ce que je reproche à Antoine Bello dans son œuvre c’est de l’avoir écrit sans vouloir dépasser le plus grand dénominateur commun : les personnages sont mal finis, les dialogues sonnent faux, il n’a aucune valeur didactique et la profondeur analytique ne dépasse jamais ce qu’on peut trouver dans des films d’il y a plus de 50 ans.
Et ce n’est pas le clin d’œil méta-narratif placé en codicille pour expliquer les faiblesses du style par une volonté de mimer la prose d’une IA qui pourra excuser les 350 pages de lecture rébarbative.
Que ce livre mal dégrossi ait été publié sans 2 ou 3 réécritures supplémentaires dans la collection blanche de Gallimard remet en doute ma perception de cette collection qui était encore attachée à un certain prestige littéraire et un certain niveau de qualité.