Après une incursion sur Netflix pour une série disons-le franchement ennuyeuse ("The Eddy"), Damien Chazelle revient sur le grand écran pour évoquer son deuxième sujet favori après la musique : Hollywood.
Babylon annonce d'entrée de jeu sa dimension épique et artificielle en posant devant le spectateur son cinématoscope chanfreiné aux coins.
La scène de fête qui succède a l'introduction évoque tour a tour The Great Gatsby, Eyes Wide Shut et enfin Climax de Gaspar Noé. Je ne cache pas une certaine admiration pour la chorégraphie de l'ensemble et l'installation d'enjeux clairs et compréhensibles ; on est sur du classique.
Cependant, plusieurs défauts viennent gâcher le déroulement de la suite.
Le scénario tente de faire coexister la jeune femme d' A Star is Born, le George Valentin de The Artist, le fixeur de Hail Caesar, et le destin d'un joueur de jazz afro-américain de Green Book.
Il y a quelque chose de profondément déséquilibré dans les changements de ton des différentes intrigues. Les scènes qui tournent autour de Nelly sont des farces à la Monty Python qui s'étirent en longueur plus que de raison. Et juste après ça, on est censé être sincèrement affecté par le destin tragique d'un acteur ringard, incapable d'entretenir une relation saine avec les femmes et qui lorgne vers le tragique. Bien sûr qu'il y a la place au cinéma pour faire d'un côté la farce avec du sang, de la merde et du vomi et de l'autre du drame avec un grand D.
Mais peut-il exister dans un même film un équilibre lorsqu'on voit le grand écart entre une actrice qui vomit de manière théâtrale et un homme qui se suicide d'une balle dans la tête ?
Comment Chazelle veut-il que l'on perçoive l'histoire d'amour téléphonée et outrée entre Nelly et Manny quand il se moque lui-même des amourettes factices qu'on affuble à Jack dans ses propres films ?
Quel intérêt de critiquer une nouvelle fois l'hypocrisie des riches et nous refaire le même coup que Triangle of Sadness ?
Le problème fondamental de Chazelle, c'est qu'il ne semble pas avoir digéré l'échec de "La La Land" en lice pour le meilleur film au Academy Award. Il veut son oscar du meilleur film. C'est la raison d'être de Babylon ; ainsi il choisit d'évoquer l'âge d'Or d'Hollywood, ainsi, il présente des acteurs comme protagonistes ; ainsi il étire exagérément ses scènes pour franchir péniblement la durée de 3h de film. Sur la forme, il nous gratifie d'un certain nombre de zoom/gros plan sur des pavillons de trompette qui font assez vite gimmick.
Enfin il est dans une telle auto-complaisance de son génie qu'il nous gratifie d'un montage final que je trouve immérité et incongru compte tenu de la qualité de son long-métrage. Citer des films ne suffit pas pour faire un chef d'œuvre. Cela fait juste regretter de ne pas revoir le film en question.
Deux scènes sortent du lot sans parvenir à sauver le naufrage, celles où l'on découvrir le tournage d'un film muet et d'un film du début du parlant.
Ce n'est pas de gaieté de cœur que j'écris cela, car je me considérais jusqu'alors comme un adepte de Chazelle. Whiplash et La La Land sont arrivés au début de ma cinéphilie et ils ont laissé une forte impression sur moi.
Mais je pressens dans la trajectoire de Chazelle, une carrière "à la Ridley Scott" : un début de carrière trop brillant, trop acclamé, et ensuite "trop" de liberté de création qui fait qu'il s'éparpille dans ses idées créatives et manque de vision d'ensemble.