Imaginer le quotidien régissant la vie d'une ambassade britannique en Serbie, ce n'est pas tout à fait l'idée qu'on se fait du fun. Et pourtant il s'en passe de bien belles derrière les rideaux d'une mission diplomatique à l'étranger. Les malheureux représentants de sa majesté avaient toutes les raisons de se morfondre, puisqu'ils étaient contraints à vivre en vase clos à l'écart de la vie politique Yougoslave (d'orientation communiste). Mais l'Homme est une espèce récalcitrante : cernez-le par l'ennui, il sèmera la pagaille. Même par inadvertance. Surtout par inadvertance. Une réalité anthropologique dont nous serons les témoins privilégiés, par la bonne grâce d'un ex-attaché de presse devenu écrivain encensé j'ai nommé Lawrence Durrell.


De prime abord, on ne lui prêterait pas une plume trempée dans de l'acide ou un goût immodéré pour la malice, à en juger par ses ouvrages qui l'ont rendu célèbre (Le Quatuor d'Alexandrie). Ce serait oublier que l'homme passa trois années de sa vie à l'ambassade de Belgrade. S'il ne cache pas avoir ruminé la précarité de sa situation à ce moment-là, les trois ans seront émaillés d'évènements ou rencontres totalement improbables que Durrell a choisi de coucher sur le papier. Bien entendu la prudence reste de mise. Les noms sont modifiés, la temporalité n'a aucune importance puisqu'il s'agit plus d'un recueil d'anecdotes. De plus, l'auteur se dissimule non pas derrière la narrateur officiel mais son interlocuteur et raconteur officieux Antrobus, avec un ton plein d'emphase qui projette son humour pince-sans-rire à un rythme très soutenu.


Je fus très convaincu sur les deux premières tournées, gorgées de saynètes proprement désopilantes. Il serait cruel de vous en dévoiler la teneur, alors je resterai dans le vagues en évoquant ce périple dans un train qui a tout d'une machine de mort sur rails, ou le destin d'une mouche kamikaze, en passant par une drôle de soirée sur un radeau ou ce match de foot bien viril avec la délégation italienne. Préparez-vos abdominaux, Lawrence Durrell va beaucoup les faire travailler pendant 200 pages. Personnages excentriques, vengeances mesquines, incidents à répétitions, il y en aura pour tous les goûts. Si le trait semble un rien forcé, l'amoncellement d'absurdités en tout genre laisse à penser que l'homme de lettres en a vu de toutes les couleurs pendant cette longue mission en terres inconnues. Ma joie fut néanmoins tempérée par un dernier tiers en dessous, bien que le sourire s'invite de temps à autre, au gré d'une énième galère avec un squelette ou lors d'une histoire d'excision pour le moins pittoresque. Je dois pourtant reconnaître que la majorité de ce qui constitue ce dernier round fut beaucoup moins sujet à l'hilarité que les deux premières manches.


Cela dit, il ne faut pas bouder son plaisir. Envoyer aux quatre vents les idées reçues derrière les fonctions d'ambassadeurs, de consuls ou d'attachés de presse à de quoi faire rigoler. Sans aller jusqu'à affirmer que tout cela se passe quotidiennement derrière les attitudes guindées et les sourires de convenances de nos officiels, il ne faut pas oublier que l'espèce humaine n'est jamais en reste quand il s'agit de se distinguer.

ConFuCkamuS
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 30 août 2021

Critique lue 46 fois

ConFuCkamuS

Écrit par

Critique lue 46 fois

D'autres avis sur Affaires urgentes

Affaires urgentes
RenaudM
8

Le comble de l'humour anglais derrière le rideau de fer

Ce recueil de fausses anecdotes diplomatiques est un vrai régal. Un grain de sable vient à chaque fois faire vaciller le sérieux des représentants amidonnés du Foreign Office.

le 10 nov. 2013

Du même critique

Dune
ConFuCkamuS
4

Anesthésie Spatiale

Peut-on partir avec un avantage si l'on décide d'aller voir l'adaptation d'une œuvre matrice dans la littérature ? Oui, en ne l'ayant pas lue. Il n'est pas toujours aisé de jongler entre...

le 15 sept. 2021

66 j'aime

8

I Care a Lot
ConFuCkamuS
4

Épigone Girl

Dur d'échapper à son rôle phare. Propulsée sur le devant de la scène avec le rôle d'Amy dans le d'ores et déjà classique Gone Girl réalisé par David Fincher, l'actrice Rosamund Pike n'a pas ménagé...

le 20 févr. 2021

60 j'aime

Les Trois Mousquetaires - Milady
ConFuCkamuS
3

Tous pour presque rien

Huit mois, ça peut être un vrai obstacle à la compréhension à l'ère du streaming et du binge-watching. Tout spécialement si vous vous lancez dans la suite d'un film pas très fameux, et que cette...

le 13 déc. 2023

56 j'aime

7