Membres d’un club très fermé, ils se réunissent le soir en réponse à la convocation de la petite-fille de son fondateur. Notable au-dessus de tout soupçon, commerçant respectable, artisan besogneux, professeur atrabilaire ou clochard gouailleur, ces clubmen appartiennent à toutes les couches sociales. Citoyens lambdas, petits bourgeois ou invisibles, parfaitement intégrés aux rouages de la vie de province, qu’est-ce qui au final les réunit ?
Le crime.
Affublés d’un pseudonyme, de préférence le nom d’un criminel célèbre, ils ont tous un meurtre sur la conscience. Troppmann, Jack l’Éventreur, Madame Lafarge, Landru, Lacenaire, Ravachol ou Gilles de Rais, ils occupent par ordre d’ancienneté l’un des sept sièges du club, répondant à un ordre du jour invariable consistant à souhaiter la bienvenue au novice, puis dresser l’éloge du partant. Tout cela en attendant d’acquitter leur propre dette au club. Un vrai sacerdoce.


Grand Prix de Littérature policière en 1981, Aime le maudit risque de défriser le fan le plus ardent d’élucidation policière. Dans ce whodunit tordu, Pierre Siniac s’amuse à détourner les codes et les poncifs du roman à suspense. Paru à l’origine sous le titre de Vampyr club, dans la collection « Engrenage » du Fleuve noir, ce court roman vaut davantage pour la mécanique inexorable de son intrigue que pour la profondeur de la psychologie de ses personnages ou pour son foisonnement thématique. Entre 1940 et 1980, du numéro 1 (l’assassin) au numéro 7 (le nouvel arrivant), on s’intéresse ainsi à quelques titulaires du club, embarquant pour un parcours jalonné d’ellipses et de moments de détresse intime fort drôles.
A bien des égards, Aime le maudit se situe dans le registre de l’exercice de style. Siniac exploite ici une seule idée, au demeurant fort ingénieuse, tout en se pliant à ses contraintes. Il dévoile ainsi progressivement les règles qui prévalent au club, mettant en lumière la banalité, voire la médiocrité de ses membres. Sur ce dernier point, l’auteur français brosse quelques portraits cruels d’un échantillon d’humanité assez croustillant.


Bref, on ricane beaucoup durant cette lecture, même si au final, l’ouvrage se lit très vite. À peine l’équivalent d’une novella.


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leleul
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le 15 mai 2016

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emmanuelw
10

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