Relu en Juillet 2020. 10/10
Deux ans après je retrouve mon cher Zarathoustra. Le premier livre de philosophie que j'avais lu a une époque où je n'étais pas encore introduit à la discipline. Après une année de terminale riche en philosophie, il me tenait à cœur d’appréhender cette œuvre avec un nouveau recul.
Ce qui n'a pas changé c'est mon admiration pour ce livre. Déjà à l'époque j'avais reçu une sacrée claque dans la gueule. Nietzsche a cette capacité extraordinaire d'envoyer chier tout le monde. D'oser penser et dire des choses qui choquent encore aujourd'hui. Une sorte de pré-Desproges quelque part. J'ai beau ne pas être d'accord avec tout, l'ensemble est parfaitement cohérent c'est assez formidable.
Ainsi, on suit à travers 4 parties segmentées en de nombreux discours (narration inspirée de La Bible) la vie et les pensées de Zarathoustra. L'homme le plus impie du monde, celui qui aurait détruit la vertu et les valeurs du monde. Et cette œuvre est structurée remarquablement, on sent au fur et à mesure l'évolution de Zarathoustra dans son approche face aux autres hommes et même face à ses propres convictions.
Ce qui m'avait déjà marqué à l'époque c'est la fin de cette première partie quand Zarathoustra annonce à ses disciples qu'il ne voudra les revoir seulement lorsque ceux-ci se seront dégagés de sa pensée. Chose paradoxal d'ailleurs tant le livre pourrait posséder une lecture prophétique. Mais non, j'y vois plutôt un tour de force de Nietzsche qui brouille les cartes pour pimenter le débat, pour inciter à l'esprit critique en somme.
Celui qui écrit en lettres de sang et en sentences ne veut pas être lu mais appris par cœur
Deux autres concepts qui me plaisent ce sont : le Surhomme et l'éternel retour. En effet, se dépasser, faire toujours le mieux possible dans sa vie à tel point qu'on ne voudrait rien changer si on renaissait après notre mort, cela semble être un credo tout à fait sain.
J'ai en revanche un peu plus de mal avec ce que je comprends de la volonté de puissance. Je comprends de ce concept une nécessité d'écrasement des autres, pour devenir un surhomme et ce à n'importe quel prix. Si ça reste très cohérent avec les deux autres concepts évoqués au-dessus ainsi qu'avec la critique de la vertu d'héritage chrétien, cela reste un extrémisme qui me dérange quelque peu. Cela dit, ça reste une théorie qui se tient et qui n'a évidemment rien à voir avec ce que les nazis en ont fait. Il s'agit dans un premier temps de tendre vers un surhomme qui dépasse les valeurs précédemment érigées et qui dépasse les dires de
la populace qui clignera de l’œil et dira : Nous sommes tous égaux !
En aucun cas cela implique de tyranniser toute une population, au contraire le surhomme à l'image du Prince Machiavélien saurait quand chérir et quand punir son peuple. Et cette volonté de puissance n'implique même pas nécessairement le pouvoir puisque
chacun suit son chemin et il n'y en a ni de bons ni de mauvais
. D'ailleurs le fait que le bonheur n'ait pas l'air d'être un but en soi est d'office quelque chose qui me dérange dans ma philosophie personnelle mais qui est très habilement défendu par Zarathoustra.
D'un point de vue du style, ce livre est une pépite pour de la philo. On ne s'ennuie jamais, tout est fluide malgré l'inspiration biblique et c'est un bonheur à lire. Livre qui est d'ailleurs moins touffu qu'il n'en a l'air, je suis sûr qu'on pourrait apprécier ce bouquin sans rien biter aux idées, juste en suivant le périple de cette espèce d'ermite fou qui vit avec son serpent et son aigle.
La dernière partie est d'ailleurs particulièrement juteuse. Les différents prétendants au Surhomme que rencontre Zarathoustra sont très expressifs. Mention spécial à l'âne évidemment. Idole immaculée par excellence « OUI-Da ! ».
Ainsi, ce livre reste pour moi un chef d’œuvre. D'une lisibilité et d'une cohérence fantastique, il me semble bien plus accessible que ce qu'on en dit et c'est un vrai plaisir de lecture. Comme indiqué dès le prologue, il faut garder du recul et ne pas suivre à la lettre ce qu'énonce Zarathoustra, tout ça, ce ne sont que des (très fortes) idées !
« C'est cela que doit être l'homme pour le Surhomme : un objet de risée ou une honte douloureuse »
« L'homme est une corde tendue entre la bête et le Surhomme – une corde sur l'abîme »
« Le changement des valeurs – c'est le changement de celui qui crée. Celui qui crée détruit toujours »
« Si il y avait des dieux, comment supporterais-je de n'être pas Dieu ? Donc, il n'y a pas de dieux »