ette année 1963, Birmingham, en Alabama, est une poudrière. C’est dans cette métropole, que Martin Luther King considère alors comme « probablement la ville où la ségrégation est la plus rigoureuse de tous les États-Unis », que le mouvement américain des droits civiques a choisi de concentrer son action en faveur de la déségrégation et de l’égalité des droits, pas seulement dans la loi, mais dans la réalité. Les protestations non violentes tournent à l’émeute quand le Ku Klux Klan répond par un attentat à la bombe contre une église exclusivement fréquentée par les Noirs. L’effervescence monte encore lorsque King prononce son discours historique I have a dream à l’occasion de la grande Marche sur Washington. La crise atteint un paroxysme quand John F. Kennedy est bientôt assassiné.
Pendant ce temps, et quoi qu’il en soit, Adela Cobb continue à se serrer avec les autres Noirs dans la section des bus qui leur est réservée. Lorsqu’elle sort le chien de l'un de ses employeurs, elle ne peut l’accompagner dans les parcs qui lui sont interdits. Veuve et mère de famille, elle survit d’un aléatoire salaire de misère en trimant comme femme de ménage pour des familles qui, bien souvent, la tolèrent à peine chez elles. Et si la police est contrainte de protéger les fillettes noires qui tentent de se rendre dans les écoles déségréguées, aussitôt boycottées par les élèves blancs, elle ne va pas jusqu’à s’émouvoir de la disparition de l’une d’entre elles, ni, ensuite, de la découverte de son corps sans vie.
Les assassinats de petites filles noires se multipliant, Bud Larkin, détective privé alcoolique en mal de clients, accepte sans enthousiasme d’enquêter pour le père d’une des victimes. Raciste par défaut plus que par conviction, dans un contexte où l'immense majorité de la société blanche n’envisage les Noirs que comme des sous-hommes, cet ours mal léché, cabossé par ses propres malheurs, se voit pour la première fois confronté aux implications concrètes de cet état d’esprit. Ses investigations ne vont pas seulement le mener sur les traces d’un insaisissable tueur en série, au coeur d’une affaire aux multiples rebondissements. Elles vont aussi lui ouvrir peu à peu les yeux sur l’ignominie de certains de ses semblables et sur les injustices supportées par ses nouvelles relations noires, pourtant bien compliquées à côtoyer. Car, s’il n’est pas évident de franchir le fossé d’incompréhension, de peur et d’hostilité mutuelles entre les communautés noire et blanche, y prétendre expose à la réprobation générale, voire à de terribles représailles.
Au-delà de l’enquête criminelle et de son suspense addictif, ce roman aux personnages attachants, restitués dans toutes leurs complexités et ambiguïtés, est une plongée puissamment réaliste au coeur d’une Amérique raciste au bord de l’implosion en cette année 1963. Sa lecture pourra trouver un prolongement dans celle du plus récent Un long, si long après-midi d’Inga Vesper, à mon avis moins percutant, mais assez complémentaire dans son approche plus féministe de la société blanche et raciste de l’Amérique de cette époque.
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