J’ai rarement lu autant de sophismes que dans les œuvres de Platon, je n’en suis qu’au début et pourtant, Dieu sait que Socrate en balance ; et ce sont des sophismes de compétition, ils rivalisent avec ceux qu’on peut trouver n’importe où sur les forums. Je trouve que c’est indigne d’un homme qu’on nomme comme étant parmi les plus grands philosophes de l’histoire, c’est même indigne d’être enseigné. Cet Alcibiade est, dans le fond, du même acabit qu’Hippias mineur.
Dans Hippias mineur, on avait Socrate et Hippias qui dissertaient sur l’Iliade, enfin surtout Socrate, ses interlocuteurs se content de dire « oui », « en effet ! » etc… Un monologue caché qui est assez révélateur du parti pris de Platon qui, systématiquement, fait passer ces interlocuteurs pour des ignares afin de rendre Socrate toujours plus brillant … Sauf qu’à moi, on ne me la fait pas ! L’idée dans Hippias mineur était de savoir qui d’Achille ou d’Ulysse avait plus de valeur, de définir l’homme de bien. Le point de départ était de dire qu’Achille vaut plus qu’Ulysse parce qu’Achille ne connait pas la ruse et que donc, s’il fait mal, il le fait involontairement contrairement à Ulysse qui lui le veut, est conscient de ça car il est rusé, intelligent. Et là, attention, Socrate ouvre son claque merde et balance : « Je n’en suis pas sûr, car, par exemple, si je prends un coureur, quel est le meilleur ? Celui qui ne court pas vite parce qu’il ne peut pas plus ou celui qui ne court pas vite parce qu’il le veut ? Réponse : Celui qui court pas vite parce qu’il le veut car alors il pourrait courir encore plus vite s’il le voulait et il a donc des capacités supérieures à l’autre coureur. Donc, quel est le meilleur entre Ulysse et Achille ? Ulysse bien sûr car il a des capacités intellectuelles qu’Achille n’a pas ».
On voit bien le problème, Socrate parle d’un problème éthique à l’aide d’outils hors-sujets. Le mec te résout quand même le problème en disant qu’un homme vaut moralement plus qu’un autre en fonction de son intelligence ou de ses aptitudes physiques. Il faut imaginer jusqu'au ce concept pourrait aller, on pourrait justifier l'idéologie nazie avec ça !
C’est, à peu de chose près, pareil dans Alcibiade, on part du problème de savoir si un homme connait ce qui est juste ou injuste mais du point de vue du raisonnement, à savoir quand est-ce qu’il sait s’il est dans l’erreur ou dans le vrai et Socrate nous sors un gros sophisme et met la justice (au sens juridique et moral) et la logique sur le même plan de sorte que ce qui est juste et injuste au sens moral (bien et mal), c’est aussi ce qui est juste et injuste au sens rationnel (vrai et faux). Comme si le bien était du côté de la vérité et le mal du côté de l’erreur ! Du coup, il nous balance la notion de justice au sens moral en prenant l’exemple du petit Alcibiade qui trouvait le comportement de ces camarades méchant et injuste alors que dès le début, le sujet portait sur la logique, la connaissance, être dans le vrai, dire juste etc…Tout ça pour en venir au fait que la notion de justice et de légitimité ne vient pas de la connaissance des choses mais de la connaissance de soi ainsi « Connais-toi toi-même »...
Schopenhauer le disait très bien, le problème de la morale, c’est qu’elle n’est en rien universelle et qu’on peut difficilement établir un système moral véritable et applicable pour chaque cas. On n’est pas en science où un théorème s’applique à tout un système du moment que le dit système a été défini (on mettra la chimie organique et inorganique, ces pseudosciences, de côté). A partir de là, c'est casse gueule d'établir une morale à partir du rationalisme et il ne peut donc y avoir aucun lien entre le vrai/faux et le bien/mal, tout comme Kierkegaard montre qu'il n'y en a pas non plus entre le beau/laid et le bon/mauvais.
Surtout, la morale n’est pas la même selon les civilisations et les époques, dans les tribus cannibales d’Amérique du Sud, c’était bien de bouffer les personnes qu’on aimait… Comme dans les tribus d’Afrique où on mangeait le cœur d’un guerrier pour acquérir sa force…
C’est assez sidèrent de voir comment Socrate arrive, à partir d’arguments qui ne sont pas faux en soi, à accoucher d’une dialectique complètement perchée et qui part dans tous les sens.