Le Second Alcibiade est ce que l'on appelle un dialogue suspect de Platon. C'est à dire un dialogue qui est considéré comme authentique par Diogène Laërce mais que depuis, on a eu tendance à remettre largement en doute. Il faut bien comprendre que si il y a un consensus autour des dialogues apocryphes (que Diogène Laërce annonce comme étant faux), le terme « suspect » comprend tout et son contraire.
Pas de limites claires, résultat : on a des dialogues qui ne peuvent pas être de Platon et d'autre où le doute est permis. Autre subtilité : les dialogues considérés comme authentiques le sont-ils tous vraiment ? Personnellement j'ai une nette tendance à voir le Premier Alcibiade comme totalement faux. Je crois que le platonisme de la doctrine donne l'illusion, mais que par des détails et le style, on est très loin de Platon.
Dans les dialogues suspects nous avons donc des totalement faux et certains où l'on peut vraiment douter.
J'arrête tout de suite le suspense : Le Second Alcibiade n'est pas de Platon, il n'y a plus, aujourd'hui de discussion à ce propos. L'argument dominateur (la bonne blague) est tombé, je veux bien entendu parler de nos amis linguistes. Car oui, quelle plus belle preuve que celle-là ? Certaines tournures, certains termes, n'existaient pas à l'époque de Platon. Alors, j'avoue bien que je ne connais pas les détails de l'étude et je ne sais donc pas si l'écart est de 10 ans ou de 100 ans.
Mais ça ne doit guère être supérieure puisque des études très sérieuses ont tenté de retrouver l'auteur originel (et non, contrairement à ce que dit Athénée, ce n'est pas Xénophon). Or, parmi les candidats nous avons des stoïciens (mais enfaite, ça ne marche pas du tout), des péripatéticiens (c'est franchement mauvais) et des académiciens de la génération post-Platon. Donc bon, on est pas très éloigné.
Revenons au dialogue et à son histoire.
Socrate croise Alcibiade, ce-dernier se rendant au temple pour aller prier (faire un sacrifice). Or, Socrate l’exhorte à faire attention. Si les Dieux lui donnent ce qu'il demande, ça pourrait bien mal se finir pour lui. Car il peut demander quelque chose en pensant que c'est un bien et finir par le regretter ensuite.
Le dialogue continue alors sur le sujet de la connaissance et de l'ignorance. L'ignorant est-il vraiment mal loti ? N'est-ce pas pire de penser que l'on est savant là où l'on ignore tout ? Car l'ignorant s'en remet à plus apte que lui. Celui qui pense être savant agit, et le plus souvent, échoue.
Socrate en profite pour remettre sur le tapis la vision platonicienne de la théologie traditionnelle, le tout avec douceur et un peu d'humour.
Le dialogue, court, est un concentré de bonnes réflexions, directement inspirées de l'Académie. On sent vraiment l'aspect platonicien du dialogue qu'on ne peut nullement renier. Les réflexions sur la notion de savoir, d'opinion, d'ignorance respirent le vrai-Platon (rien que ce passage prouve qu'on est pas face à un texte stoïcien).
Évidemment les subtilités théologies sont là et amener intelligemment. Nous sommes très proches de la République mais aussi des Lois et de l'Euthyphron. La critique est déguisée sous le masque de la tradition, avant de révéler, petit à petit, combien la croyance commune est loin de la réalité.
Le texte possède un Socrate très vivant, pas autant que dans d'autres dialogues, certes, mais il a quand même de sa superbe. C'est d'avantage Alcibiade qui pèche, tant il ressemble à un personnage quelconque, loin du portrait qu'il a lors de ses apparitions dans Le Banquet (dont un écho est présent) ou dans le Protagoras.
Malgré cela, L'Alcibiade Mineur est un texte court, efficace, puissant, qui certes n'apporte rien à la doctrine platonicienne mais est réellement agréable à lire. La plume, sans être du niveau de Platon reste bonne, c'est donc une copie honorable et agréable qu'un platonicien peut lire, ça ne sera pas trahir le maître.