Un livre qui donne envie de danser en plein milieu de sa ville, aller boire du vin et dragouiller de la donzelle, qui met de bonne humeur. C'est à la fois tragique (les mœurs des villages crétois sont durs et pas au standard moderne) et drôle (le personne principal est original et facétieux). On y suit la collaboration de deux personnages que tout oppose, l'un étant un intellectuel contemplatif écrivant un livre sur Bouddha qui se débat intérieurement sur les grandes questions philosophiques et a la tentation de se détacher complètement du monde (personnage qui en réalité est l'auteur).
Ma vie avait fait fausse route et mon contact avec les hommes n’était
plus qu’un monologue intérieur. J’étais descendu si bas que si j’avais
eu à choisir entre tomber amoureux d’une femme et lire un bon livre
sur l’amour, j’aurais choisi le livre.
L'autre un Sinbad le marin bourlingueur et coureur de jupons qui, arrivé sur la fin de sa vie, comment à se poser les questions existentielles.
Je regardais Zorba à la lueur de la lune et j'admirais avec quelle
crânerie, quelle simplicité il s'ajustait au monde, comment son corps
et son âme formaient un tout harmonieux, et toutes choses, femme,
pain, eau, viande, sommeil, s'unissaient joyeusement avec sa chair et
devenaient Zorba. Jamais je n'avais vu si amicale entente entre un
homme et l'univers.
Chacun va aider l'autre à sortir de l'impasse dans lequel il se trouve.
On y retrouve les thèmes habituels de l'auteur: les questions sans réponse sur la vie, le tiraillement entre les idées et la chair, le rôle élevé de la religion face au bigotisme et une pensée très humaine loin du bien et du mal. Avec des personnages complexes capables de choses horribles (pour notre époque) mais aussi d'agir avec noblesse. Il se moque assez largement des institutions religieuses dans celui-ci.
L'alchimie entre les deux personnages principaux est parfaite, on comprend totalement pourquoi ils s'entendent malgré leurs différents (justement grâce à la loi des contraires) et leurs relations sont savoureuses.
Et puis l'écriture est un régal et plusieurs scènes sont mémorables.
C'est difficile patron, très difficile. Pour ça, il faut de la folie. De la folie, tu m'entends? Jouer le tout pour le tout! Mais toi, tu as un cerveau, et c'est ce cerveau qui aura ta peau. Le cerveau, c'est un épicier, il tient des registres, il écrit: j'ai reçu tant, j'ai donné tant, j'ai tant de bénéfices, j'ai tant de pertes. C'est un bon bourgeois, il ne mise pas tout, il garde toujours des réserves. Il ne casse pas la ficelle, non! Il la tient bien serrée dans sa main, le salaud. Parce que s'il la laisse filer, il est foutu, foutu, le pauvre! Mais si tu ne casse pas la ficelle, dis moi un peu, quelle saveur elle a, la vie! C'est de la camomille, de la camomille insipide. Et la camomille ça ne vaut pas le rhum pour te faire voir le monde à l'envers! Tu as tout pour toi. Tu es jeune, riche, intelligent, en bonne santé, tu es un brave type et tu ne manques de rien. Ce serait bien le diable s'il te manquait quelque chose. Enfin si, il te manque une chose, on l'a dit: la folie. Et quand il te manque ça, patron...
Zorba tu ne seras pas oublié!