Ce mince volume est un recueil de trois nouvelles.
La première, Aller aux fraises, nous renvoie aux dix-sept ans de l’auteur, à l’insouciance d’une jeunesse pressée de vivre l’amour, la fête, l’alcool, et qui, tout entière tournée vers l’aube de ce qui lui semble encore la liberté parfaite, ne réalise pas encore tout ce qui finit aussi à cette saison de la vie. "Il faudra quitter la maison sans savoir qu'on n'y reviendra jamais vraiment. C'est la fin de l'enfance, la fin d'une vie, le moment où on quitte ses parents et le début d'une autre." La nostalgie point dans les souvenirs de l’auteur, à son tour à l’âge qu’avait son père à l’époque. Elle se fait poignante, alors que se dessine toute la portée du constat paternel, si pudique et si poétique dans son laconisme, d’un fils parvenu au temps d’aller aux fraises.
La deuxième, Cendres, poursuit l’hommage de l’auteur à son père en rapportant une de ses anecdotes, dans une évocation révélatrice du puissant lien filial de l’écrivain. La narration se déploie autour de quelques personnages modestes, prompts à venir oublier leurs pénibles professions ouvrières autour du billard et au fond des bouteilles du bar local. Leurs légendaires et flamboyantes parties auront un prix, mais cimenteront une amitié touchante de sincérité et de maladresse. D’une irrévérencieuse drôlerie, le texte s’égaye de dialogues savoureux, aux accents profondément authentiques.
Enfin, Thetford Mines évoque les longues et parfois aventureuses allées et venues de l’auteur, encore étudiant, entre le domicile de sa mère et celui de sa blonde : "deux heures de route aller, deux heures de route retour, beau temps mauvais temps", une tempête de neige n’arrêtant pas un Québécois pour si peu. La nouvelle nous emmène sur les grandes routes rectilignes qui, en traversant les forêts, se mettent à jouer aux montagnes russes à l’approche des Appalaches. Le décor varie du blanc neigeux au gris pierreux des terrils, la ville désormais économiquement sinistrée de Thetford Mines se prêtant au passage à l’évocation des mines d’amiante, de la grande grève de 1949 et du bouleversement politique et social qu’elle provoqua au Québec.
On ne se lasse pas du talent de conteur et de la finesse d’évocation d’Eric Plamondon, qui, au travers de l’ordinaire, sait si bien exprimer la fragilité des hommes, du temps qui passe et de la vie. Chacun de ces trois courts textes est un trésor d’émotions pudiquement suggérées, en même temps qu’un régal des mots et de la langue, alors qu’y chantent pour notre plus grand plaisir l’accent et les expressions québécoises. Sous le charme, le lecteur referme ce livre avec au coeur l’envie de faire encore, dès que possible, un p'tit boute en compagnie de cet auteur.
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