La légende du piano blanc
Fitzcarraldo promenait son bateau ivre et son gramophone à travers les montagnes
Novecento jouait du piano en errant à travers les océans.
Amazone Steinway laisse entendre sa musique quelque part entre les deux, entre deux fleuves de l’Amazonie composant avec les rêves délirants de l’un et la poésie de l’autre.
C’est toute la magie de Maxence Fermine, décidément un écrivain qui entre désormais au panthéon de nos coups de cœur.
Fermine nous parachute de but en blanc, sans préliminaire ni avertissement, au fin fond de la forêt amazonienne, dans un village perdu qui ne figure même pas sur les cartes et qui aurait pour nom Esmeralda.
Un village avec en tout et pour tout, une taverne au bord du fleuve, le rendez-vous de tous les aventuriers du coin.
Des choses extraordinaires vont bientôt venir secouer la torpeur de ce village oublié de tous.
[...] - Qu'est-ce que tu dis ? demanda Rodriguez en se tournant vivement vers celui qui venait de troubler la tranquillité d'Esmeralda et qui se tenait sur le seuil, comme une moisissure née de l'humidité de la jungle.
Jesus Diaz ôta son chapeau de paille, sourit de toutes ses dents jaunes, et lança à la cantonade :
- Je dis qu'il y a un piano sur le fleuve.
Amazone Steinway débarque un beau jour à Esmeralda avec son piano blanc dont il tire un jazz à faire pleurer les sirènes.
[...] - Les regrets, le rêve et le hasard. Très bien. mais tout ça ne me dit pas pourquoi on t'appelle Amazone Steinway.
Cette fois, la réponse fut plus claire.
- Amazone, c'est pour le fleuve. Il paraît que ma musique ressemble à celle que produit l'Amazone en charriant toutes ces tonnes d'eau.
- C'est pas faux. Quand je t'ai vu arriver tout à l'heure, j'ai bien cru que le fleuve débordait de son lit.
[...] - Et Steinway ?
Le musicien se jeta en arrière sur sa chaise et, sur un rythme d eplus en plus éffréné, en véritable virtuose, s emit à tapoter les accoudoirs avec la même frénésie.
- Steinway, c'est parce que ce fichu nom est écrit sur mon piano. Un jour, quelqu'un a prétendu que j'avais gravé mon nom sur le piano, et depuis, tout le mode m'appelle comme ça.
Bien vite, sa légende fait le tour des rivières et des marécages et l’on vient de loin pour l’écouter, s’enivrer et perdre son argent au jeu.
[...] - Il parait que c'est pas un piano mécanique et que c'est lui qui joue réellement.
- Tu en es sûr ?
- Je ne sais pas. En tout cas, ce qui est certain, c'est que ce type est le seul Noir de toute l'Amazone qui joue sur un piano blanc.
Il serait bien vain de vouloir raconter l’histoire d’Amazone Steinway.
C’est un conte, une légende que nous relate Maxence Fermine d’une plume fine et ciselée, tissant mystère et poésie, réussissant à faire du lecteur (douillettement installé dans son fauteuil) un voyageur et un aventurier.
Tout cela est une histoire d’ambiance, un décor d’aventures (quel est celui que l’Amazone ne ferait pas rêver ?), un décor de nouveau far-west.
Mais c’est surtout une histoire d’amour bien sûr, comme le lecteur-voyageur-aventurier va le découvrir lorsqu’un deuxième sortilège va venir troubler Esmeralda, un tour de magie encore plus insolite que l’arrivée du piano blanc sur le fleuve.
Qui est cet Indien mystérieux qui débarque un soir dans la taverne comme un indien du far-west ?
Quel lien le rattache à notre pianiste dont on ne sait toujours pas grand-chose ?
Tout cela nous sera dévoilé juste avant que nos aventuriers perdus repartent pour un dernier voyage.
Un petit livre (200 pages) que l’on lit d’une traite tant est grand le pouvoir d’envoûtement de l’écriture de Maxence Fermine.
Un petit livre où l’on retrouve avec toujours autant de plaisir quelques-unes des marottes de l’auteur comme la Neige et les Papillons.
Un petit livre qui parle de voyages, de contrées lointaines, d’aventuriers perdus. Et bien sûr d’Amour avec un grand A.