Sur les 500 pages de ce roman, je mettrais ma main à couper que 200 d'entres elles ne contiennent que des descriptions d'une précision et d'un détail poussé à l'extrême. Quel intérêt de détailler autant les apparences, vêtements, bijoux, chaussettes, intérieurs d'appartements, plats de restaurants huppés abstraits?
A l'instar de certains cinéastes, ici, ces pauses contemplatives descriptives ont une réelle signification pyschologique - rien ne semble gratuit, contrairement aux agressions de Bateman, à lui seul incarnation de l'acte surréaliste par excellence selon Breton :
"L'acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à
descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu'on peut, dans la
foule"
Ces descriptions établissent pourtant un portrait psychologique très révélateur du protagoniste, maniaque exacerbé poussé à l'extrême, obsédé par son apparence. D'un individualisme froid, il ne voit chez les autres que des éventuels victimes ou rivaux. Résultat d'une éducation chez une élite sans coeur ? De sa vie actuelle chez les requins de Wall Street? Bateman nous livre énormément de choses sur son intérieur, mais au final très peu de ses relations concrètes avec les autres - qui après tout, semble tous seulement obnubilés par LEURS problèmes, LEUR nombrils, jusqu'à ne pas l'écouter, ni même le croire dans les rares moments où il se livre.
Y-a il du Tati chez Monsieur Bret Easton Ellis, dans cette description d'une élite fortunée qu'on moque très, très subtilement? Y-a il de l'engagement chez lui lorsqu'il évoque ces situations pathétiques créée par la toute-puissance du capitalisme américain ?
American psycho capture l'essence du mal, dans une époque (malheureusement) encore en vogue aujourd'hui.
Les Misérables sont toujours dans la rue.
Les grands criminels, auteurs des pires crimes inhumains, en proie complète a leur désirs les plus sombres, poursuivent encore une vie tranquille, bien à l'abri d'une menace pénitentiaire.
Le monde entier se plie à la volonté du grand méchant Loup, toujours prête à vendre son âme pour le diable de papier vert.