Prenant mais imparfait. (Attention, critique bourrée de spoilers.)
Si critiquable que soit ce pavé de plus de 500 pages, et pour une raison qui m'échappe, je me suis complètement immergée dedans.
Ce ne fut pas pourtant sans une certaine appréhension, et au bout de 100 pages telle fut ma réaction : "mais on m'a parlé de l'histoire d'un meurtrier, ils sont où les meurtres, HEIN FRANCHEMENT ?". Car il s'avère en effet que le rythme est très lent et, avec subtilité (si l'on a pas déjà lu le résumé), sont dévoilées des allusions à des meurtres, à des pulsions effrayantes de neutralité au fur et à mesure de l'avancement dans le bouquin. Subtil, certes, Bret Easton Ellis l'est tout à fait ; et en outre, malgré la lenteur du récit, on n'arrive pas à se désintéresser tout à fait de Bateman, malgré la description de quatre pages de ses rituels matinaux, le systématique examen des marques de fringues de lui-même et ses fréquentations, et ses débats ardents avec lesdites fréquentations (Va-t-on au Nell's ou au Kaktus ce soir ? Comment porte-t-on le gilet en laine ? Les sushis d'Evelyn sont-ils bons ?).
Lenteur et quasi-stagnation qui peuplent la totalité du roman. Pourtant, au beau milieu de notre lecture, tout à coup, Bateman nous raconte, sur le même ton que lorsqu'il parle de son smoking Ralph Lauren, ses aventures charnelles à trois avec des inconnues puis la torture qu'il leur fait subir, puis la façon dont il les cuisine... Et plus le roman avance, plus le côté maniaque du tueur ressort -avec en bonus quelques passages érotiques miam-miam. Une longue épopée donc, de la prise de pouvoir du côté obscur de la force sur bah, l'autre côté.
Il y a des épisodes assez horribles qui ont profondément troublé mon imaginaire -dur à choquer, pourtant- mais qui n'en sont pas moins fascinants : fascinant, oui, de découvrir les deux facettes du tueur impassible menant une vie que n'importe quel humain lambda ne peut qu'envier avec, au détour d'une soirée, le/la viol/torture/meurtre d'un clochard ou d'une fréquentation.
Et lorsqu'on arrive à la fin, forcément, on s'attend à une chute ; une arrestation ; un changement de vie radical. Bref, à un truc quoi. Eh bien non ! Rien, sinon un "Voie sans issue" semblant nous indiquer l'impasse terrible de la vie de Bateman. Et un brin de déception m'a envahie, même si cette absence de début-élément perturbateur-action-résolution-fin peut être comprise comme géniale.
Alors au final, la question est : pourquoi ai-je lu 500 pages si c'est pour que la fin n'en soit pas une, avec des passages usants et aussi inutiles que la description de la musique de Whitney Houston et Genesis ? Eh bien, même si ce sont là des défauts indéniables, on aura découvert la vie d'un tueur, terrifiante, pathétique, double et extrêmement crédible, à travers un récit servi par un style révélant tout le caractère du héros. Et ça, ce n'est quand même pas rien.