Avec "Americanah" de l'autrice nigériane Chimamanda Ngozi Adichie, je suis passée à un cheveu du coup de cœur, et justement, de cheveux, il en est pas mal question dans ce roman à assimiler à une étude de mœurs. Pas seulement des mœurs nigérianes - d'ailleurs je trouve réducteur de coller à ce roman l'étiquette "ethnique" - car on en apprend tout autant, si ce n'est plus, sur les moeurs américaines.
Ifemelu, l'héroïne de ce long et beau roman, est une jeune femme extrêmement humaine et attachante, au fort tempérament, très consciente de sa féminité et très désireuse de mener sa propre vie, sans pour autant renoncer à ses aspirations profondes au bonheur. Ce qui fait d'elle une femme très moderne, prête à des renoncements et à des compromis pour se réaliser en toute indépendance, mais sans forcément emprunter le parcours du combattant du cavalier solitaire. Parfois maladroite, tâtonnante, dans l'erreur, elle poursuit sa route et ne renonce jamais. Inspirante.
A travers le parcours de la jeune femme du Nigéria aux Etats-Unis puis des Etats-Unis au Nigéria, le lecteur en apprend énormément sur des environnements politiques, économiques, sociaux et culturels qui lui sont peu ou prou familiers. Personnellement, je connais très peu l'Afrique et, je plaide coupable, ce n'est pas un sujet qui me passionne. Pourtant, Ifemelu m'a emportée avec elle dans ses bagages avec facilité et enthousiasme, et j'ai adoré la voir évoluer dans deux sociétés aussi contrastées.
Sous couvert de nous faire suivre Ifemelu, Chimamanda Ngozi Adichie brosse un portrait saisissant et sans fard de nos moeurs, notamment de notre rapport aux discriminations raciales et sexuelles. Les cinquante nuances de gris dont elle use avec autant de justesse que de talent pour passer au microscope nos comportements, du racisme dit "ordinaire" au racisme flagrant, sont instructives et perturbantes.
J'ai apprécié le rythme, la couleur, le mouvement du récit. Le style est remarquable, on sent la femme engagée derrière la plume, de celles qui n'écrivent pas pour ne rien dire, qui n'écrivent pas pour s'entendre parler mais pour transmettre un message fondamental.
Une très belle découverte, profondément humaine, et capillairement inoubliable.