L’enquête policière menée dans ce roman est un prétexte pour soulever une réflexion philosophique et scientifique sur les thèmes de la condition animale et surtout de l’écologie. Si je n’ai pas adhéré à la forme – le roman est présenté comme un thriller qui n’en est pas un-, le fond m’a entièrement convaincue et renforce mes craintes et mes convictions. Âmes animales est un pamphlet écologique d’une force rare, qui dénonce l’impact des activités humaines sur la planète.


Un corps est retrouvé flottant dans un réservoir de l’Oceanarium de Lisbonne. Il s’agit de celui d’un éthologue flamand, spécialiste de l’intelligence animale. Noé Vandenbosch dirigeait une ferme dans laquelle il tentait de prouver que ce que font les hommes, les animaux sont capables de le faire également à divers degrés. Une enquête diligentée par l’inspecteur Caparro établit que le scientifique a été assassiné. Tous les indices convergent vers la culpabilité de Maria Flor, une bénévole de l’association, qui n’est autre que l’épouse de l’historien Tomas Noronha, (personnage récurrent de J.R Dos Santos). Pour prouver l’innocence de son épouse, Tomás doit trouver le véritable auteur du crime.


Abordons tout de suite le point négatif pour en venir rapidement aux aspects positifs de ce roman. Défini en tant que thriller, celui-ci ne tient pas vraiment la route, mais son intérêt va bien au-delà. L’enquête pour meurtre est un prétexte pour développer un sujet écologique de première importance. Alors que l’on s’attend à de l’action et du suspense, on se rend rapidement compte qu’il s’agit plutôt d’un échange de connaissances entre les protagonistes, non pas que cela manque de rythme mais ce n’est pas en adéquation avec l’action qui se déroule dans le récit. Entre la découverte du corps et le dénouement (550 pages tout de même), il se passe à peine une journée. Les scènes d’action sont ponctuées de chapitres où les protagonistes semblent discuter des heures durant de comportements animaliers alors qu’ils sont pourchassés par la police, représenté par un inspecteur ridiculement niais. Tout cela n’est pas crédible et dessert d’une certaine façon le roman mais l’auteur déclare lui-même ne pas pouvoir décrire ce livre « stricto sensu » comme un policier. L’intérêt est autre, et est bien réel.


Le postulat de départ est donc de démontrer la thèse d’une continuité entre êtres humains et animaux, avec force exemples et anecdotes touchantes sur leur sensibilité et leur intelligence. Les animaux ont une conscience, ont des émotions, ont une intelligence, produisent des outils, parlent des langages avec syntaxe et grammaire, ont des accents et des dialectes, sont capables de comprendre la mort et de respecter le deuil, ont des notions d’esthétiques… Personnellement, je connaissais certaines de ces découvertes, mais j’ai beaucoup appris et il est bon de le rappeler à ceux qui ne s’intéressent pas autant aux animaux. A des degrès divers, les animaux sont capables de faire ce que nous humains sommes capables de faire. Cela fait réfléchir sur le rapport que l’on entretient avec eux. Aprés nous avoir présenté ce que les animaux ont de plus humain, l’auteur nous dépeint ce que l’humain a de plus bestial. La façon dont il traite les animaux, dans les laboratoires, dans les abattoirs, dans les élevages industriels est d’une cruauté innommable, avec pour intérêt principal le profit bien évidemment. Dans la dernière partie, Dos Santos développe ce que l’impact de l’elevage intensif industriel a de catastrophique pour la planète. Entrent en jeu des chiffres et des comparaisons sidérantes pour une démonstration d’une logique implacable: seulement 3 % de toute la biomasse de la planète des vertébrés sont en liberté, 97 % sont nos esclaves. Cela nous dit en effet beaucoup sur nous et sur notre rapport envers la nature.


Dans sa note finale, l’auteur justifie par des références aux documents utilisés la véracité des faits qu’il énonce. A l’heure actuelle, cette thématique est plus ou moins médiatisée. Certains en parlent, d’autres taisent volontairement le sujet: l’inaction des partis politiques et la réserve des écologistes à ce sujet est éloquente (trop d’enjeux financiers assurément). On trouve ces infos sur Internet mais encore faut-il les chercher ou s’intéresser au sujet. Ce livre est extrêmement documenté, on parle de roman philosophique mais il me semble plus résolument scientifique tant il est réaliste et complet, tout en restant parfaitement accessible à tous (aucun passage ne m’a posé de problème de compréhension et je ne suis pas une scientifique). Par contre, les réflexions philosophiques sont très présentes dans la note finale de l’auteur, ce qui rend cette conclusion particulièrement intéressante. Entre l’idée biblique que l’animal est soumis à l’homme et la thèse cartésienne que l’animal est une « machine automatique »qui ne ressent pas la douleur. l’humanité s’est largement déshumanisée vis à vis de l’animal.


J.R Dos Santos convoque la conscience du lecteur : l’élevage intensif est une hérésie, l’abattage un acte barbare, une aberration humaine. Je n’ai pas envie d’écrire âme sensible s’abstenir. Il faut faire face à nos actes et prendre nos responsabilités. Je n’ai pas eu besoin de visionner des vidéos pour réduire ma consommation de viande, j’ai juste entendu parler de mauvais traitements dans les abattoirs et de conscience animale, il ne m’en a pas fallu plus pour devenir flexitarien (comme Dos Santos) et bannir toute viande et charcuterie provenant de la filière industrielle. Certains passages de ce roman sont terriblement éprouvants et dans ma grande naïveté je ne pensais pas que le sort réservé aux animaux d’abattoirs était à ce point barbare. J’ai lu ces pages le coeur au bord des lèvres comme aucun thriller n’a jamais réussi à le faire (y compris les tueurs en série de Chattam ou de Thilliez…). Chacun est libre de sauter les passages difficiles, je le préconise pour les plus sensibles mais je conseille vraiment de lire ce livre. La note finale résume de façon efficace les propos énoncés dans ce livre et propose des solutions, ouvre sur une note positive et conseille d’ adapter notre comportement alimentaire pour optimister le futur de la planète. Dos Santos ne cherche pas à culpabiliser le lecteur, nous apprenons même au détour d’une page que le personnage de Noé Vandenbosh qui est capable de nouer une relation avec les vaches, poules et perroquets de sa ferme, aime manger du poulet bien croustillant ! Il est plus question d’éveiller les consciences : le sujet de l’avenir de la planète est partout mais il se trouve surtout dans notre assiette!

loeilnoir
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le 12 janv. 2023

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