Anaconda
7.8
Anaconda

livre de Horacio Quiroga (1921)

Un florilège de nouvelles ambiguës, qui font vaciller vos attentes...

Beaucoup aimé cet ouvrage, moi qui ne suis guère friand de nouvelles en temps normal. Je n'avais jamais lu de Quiroga avant et découvre donc cet auteur étonnant, fantasque, un poil morbide, au style très fluide (en traduction, du moins et donc très facile à lire) et à l'esprit espiègle, voire même assez roublard.

Ses nouvelles se passent principalement en Amérique du Sud, près de ou dans la Jungle, (mais aussi dans le désert africain ou encore à Los Angeles), dans un milieu que l'auteur affectionnait apparemment (mais pas son épouse !). Elles ont en commun un frôlement constant avec le surnaturel, les horlas, la folie. Il y a du Poe en effet dans certaines d'entre elles (" le yaciyatéré", histoire d'un oiseau fantôme et prophétique) et de l'effroi certainement dans l'horrible "Les langues" ou de l'angoisse dans "le Vampyre". Quiroga tient en haleine par une inquiétude très bien menée, une tension en filigrane sous la trame du récit. Ses récits semblent se concentrer sur l'activité humaine, mais à la périphérie de la vision se tient ... autre chose. Même un simple cerf-volant devient sous sa plume une entité autre.
La mort, la maladie, la bête venimeuse rodent entre les lignes, sous-jacentes à la vie quotidienne des hommes dans leurs métier (beaucoup de commerçants), leurs travaux (des agriculteurs ou des forgerons). Cette coexistence du métier humain et prosaïque, et de l'inquiétude ambiante donne un ton très particulier à ces nouvelles, qui nous parlent somme toute d'un quotidien menacé, qui bascule parfois. J'ai particulièrement aimé cette confrontation entre deux amis, dont la santé mentale est mise à rude épreuve par la chaleur du désert et dont les tics se transforment en spectres qui menacent leur amitié. Surprenant !

On se doit aussi de penser à Kafka , quand on lit ces nouvelles, particulièrement à cause de l'humour qui se dégage souvent des descriptions que Quiroga fait de ses héros. Comme chez Kafka, le cri n'est pas loin du rire. Par exemple Quiroga nous fait danser entre amusement et peur quand deux amants font démarrer tous leurs ébats amoureux avec une plaisante incantation qui devient inquiétante présence. Comme le grand K aussi, Quiroga n'hésite pas à achever ses nouvelles avec des punch-lines qui tiennent plus du comique que de l'horreur. La dernière nouvelle, narrant les aventures torturées d'un homme amoureux des étoiles du cinéma est très amusante et étonnante de suspens.

Une de mes favorites raconte simplement la construction d'un four à charbon dans la jungle, pleine de chaleur étouffante et de discussion technique, elle s'achève avec la remarque amusante d'une petite fille de cinq ans, qui sonne véritablement comme un tintement de cristal.
On peut noter d'ailleurs que Quiroga écrivait fréquemment pour les enfants et cet aspect de son travail paraît dans son traitement des animaux et la construction de fables comme " Anaconda" et "Le chant du cygne".

Voilà, difficile pour moi de critiquer cet ouvrage, car en écrivant ceci je serais plutôt tenté de décortiquer chaque récit individuellement tant ils sont riches. Retenez qu'il n'y a simplement rien à jeter dans ce recueil de nouvelles, et perso, je suis curieux maintenant de lire un roman de Horacio Quiroga, et je vous donc recommande cet auteur sans détour !
nostromo
8
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Mes étagères se remplissent , Ikea est content... et 2014 : une année de lecture

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le 6 mai 2014

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nostromo

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