Ça démarre plutôt en douceur. Bienvenue dans une morgue hi-tech ou les morts “cryogénisés” attendent patiemment une autopsie chirurgicale. Garde à vue glaciale pour une durée de 72 heures selon la loi en vigueur. Avec la précision d'un rapport de police, “un macchabée” fait l'objet de toutes les attentions — la procédure est respectée scrupuleusement — et bénéficie du matériel haut de gamme, de l'écarteur à la scie circulaire. Mais ce n'est que le préambule, avant de faire la connaissance de Désiré, flic noir et gueule cassée dans une France raciste comme aux pires heures de la ségrégation raciale. Paradoxalement, Chainas n'est pas vraiment porté sur la géolocalisation alors qu'il maîtrise et use, tel Maurice Dantec, du codex médical et d'une approche technique poussée, parfois excessive, ce qui rend néanmoins la lecture plutôt captivante. En plus de servir de cobaye pour son insensibilité tant physique (singularité qui met en émoi le monde médical) qu'émotive (il peut encaisser les pires images de barbarie humaine sans afficher la moindre agitation, là ou Alex d'“Orange mécanique” aurait déjà fait dans son pantalon), Désiré vit dans une cité de merde ou toute la lie de l'humanité semble s'être réunie. Il reçoit quotidiennement 3,4 lettres de menaces mais préfère s'attarder sur les prospectus tandis que sa femme plane toute la journée. Mis à l'écart par sa direction (ses “collègues” utilisent quand même son faciès effrayant pour obtenir des aveux en un temps record auprès des indics les plus récalcitrants ou de tout autre individu souffrant d'un trouble de la mémoire) et quand l'occasion se présente, il reprend du galon — en petite tenue — pour coincer la “tueuse aux bagues” qui met en échec (et sur les nerfs) la brigade des homicides. Bienvenue en enfer ou le Céline du polar excelle dans le nihilisme extrême. Avec Chainas, la plus infime lueur d'espoir est immédiatement écrasée comme une mouche à merde mais contrairement à Versus (le précédent), Anaisthêsia n'est pas dénué d'humour… noir, très noir l'humour. Un sens de la formule qui fait mouche à chaque page, des phrases courtes et chocs, pour une descente aux enfers sans espoir de retour. Bref, si vous aviez encore la naïveté de spéculer sur le genre humain, Chainas se fera une joie de l'anéantir dans ce polar déjanté et tordu comme un malade en phase terminale qui se sent vivant depuis que la maladie lui a mis le grappin dessus.
Je m'excuse d'avance auprès des lecteurs potentiels pour avoir “défloré” approximativement les 100 premières pages de ce bouquin qui se lit d'une traite.
Yeahmister
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le 30 déc. 2014

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