Quand on connaît Wajdi Mouawad, son besoin de parler du Liban, on a en refermant le livre l'impression d'avoir vu une tentative d'exorciser un traumatisme.
« Ses rêves sont montés dans la nuit ».
Avant Anima, j'avais lu Incendies. Je savais que les œuvres de cet auteur étaient une épreuve psychologique. D'une part parce que le graphisme, la violence qu'il décrit dans ses écrits ne peut que s'imprimer en nous, menant à des images que l'on ne peut esquiver, mais pas uniquement. Il cite Louis Ferdinand Céline et son Voyage au bout de la nuit dans les auteurs qui l'ont influencé, et il est vrai que je peux comprendre quelqu'un qui se retrouve dans la vision de Céline après avoir vu un tel visage de l'humanité.
Il faut le dire ce n'est pas vraiment un livre Rousseauiste. L'Homme y apparaît violent mais la nature aussi. Le livre est particulier, les narrateurs sont une myriade d'animaux variés (le Chimpanzé, sa vision et son rapport à l'humanité m'aura peut-être le plus marqué). Ils se retrouvent confronté à la quête de cette Homme. Par ce biais transparaît ce qui est pourtant une évidence, l'Homme est un animal comme un autre qui n'est pas moins violent que les autre. Parfois il est vrai qu'il essaye de se civiliser et de former une société, une famille, d'autres fois il préfère sacrifier son âme et revenir ou embrasser la sauvagerie la plus extrême qui soit.
La justice est quelque peu dépassé.
Du reste ce livre est une quête extérieure et intérieure. On découvre les États-Unis et le Canada par le prisme de petites villes et des réserves. On y retrouve aussi par bribe le passé décomposé du Liban, et des questions auxquelles on est pas vraiment sûr de vouloir des réponses. Et on observe une tentative de reconstruction du héros, tant bien que mal, au travers de cette quête. Toujours a mi-chemin entre Sophocle et les chants patriotiques Américains. Certaines scènes relèvent du western, parfois on touche du doigt le fantastique, à d'autres moments le roman noir, mais aussi il nous arrive de plonger tête la première dans l'horreur la plus réaliste qui soit.
Référence explicite et assumée, l'auteur tente in fine par ce livre de mettre des mots très personnels, à mon avis, sur une question qui l'aura suffisamment marqué, hanté pour devenir un chapitre à elle toute seule.
« Qu'est-ce donc de savoir a de si redoutable ? »
Une fois le livre refermé cette question n'est pas prête de nous quitter.