Anna Karénine par geoffrooy
Anna Karénine est plus qu'un livre, c'est une fresque monumentale.
Fresque de la Russie de la fin du XIXe d'abord, vue à travers sa noblesse, tiraillée entre modernisme et tradition, entre volonté nouvelle de s'européiser et influence slavophile qui veut une Russie tournée vers elle et ses valeurs propres. Et c'est par les yeux de cette noblesse qu'on découvre la vie du peuple russe, composé encore par une écrasante majorité de paysans pauvres à la vie bien rustique, si loin des considérations philosophiques d'une élite qui croit ses convictions universelles.
Fresque, ensuite, des relations humaines dans leur ensemble. Des bals moscovites aux parties de chasse dans la campagne profonde, des contacts mondains hypocrites aux amitiés les plus sincères, toutes les relations sociales sont abordées par Tolstoï. Et de quelle manière! L'auteur a une précision d'horloger nous faisant penser qu'il a tout vécu personnellement, sûrement en plusieurs existences. Et la pureté de son style fait sa beauté. Il va à l'essentiel tout en restant largement fidèle à la complexité qui règne en maître chez l'être humain.
Fresque, enfin, et de manière intemporelle, de tous les sentiments qui peuvent traverser un homme au cours de sa vie. Là encore, la précision est telle que les sensations, les songes, les doutes, les rancoeurs paraissent réels et nous traversent en même temps qu'ils traversent les personnages. Amour heureux, jalousie dévorante, réflexions existentielles... Tolstoï donne une intensité rare à ce qui peut nous toucher, de près ou de loin, à chaque chapitre de notre vie.
A propos de chapitres d'une vie, j'ai eu l'impression d'en terminer un de la mienne lorsque j'ai refermé Anna Karénine. Impression renforcée par une fin d'une beauté et d'une profondeur à émouvoir un roc.
C'est donc ça, la littérature.