Autant la vie d'Anne de Bretagne fut à certains égards passionnante, autant la biographie de Philippe Tourault s'avère mièvre et parfois pénible. Nonobstant les maladresses de l'auteur, j'ai appris beaucoup de choses et découvert une reine haute en couleurs qui sut habilement, tout au long de son règne, concilier vie personnelle et ambition politique. Gardienne farouche de la Bretagne, terre étrangère au royaume de France au XVème siècle et dont elle revendique l'indépendance, Anne fut mariée de force à Charles VIII. Ce mariage subi fait suite à diverses intrigues, complots et défaites militaires qui jouèrent en sa défaveur.


La biographie de Tourault, c'est avant tout l'histoire d'une femme de pouvoir au XVème siècle, un document très utile de nos jours pour comprendre en partie l'évolution des femmes dans l'histoire de nos sociétés. Je retiendrai de cet ouvrage quelques détails notables comme la très forte mortalité infantile puisque sur une dizaine d'enfants mis au monde par Anne, étalonnés sur deux différents mariage et avec deux rois de France (Charles VIII et Louis XII) ne vécurent jusqu'à l'âge adulte seulement quatre d'entre eux (toutes des filles). Ce coup du sort amènera ce bon vieux François Ier sur le trône quelques années plus tard.


Je retiendrai également la tradition selon laquelle une reine veuve peut se remarier avec le roi de France désigné comme successeur. C'est assez particulier comme situation, notamment sur le plan humain, mais j'avoue mon ignorance sur cette pratique : deux rois de France, une seule et même reine ! Enfin, cette petite biographie m'a permis de confirmer que le sexe ne comptait pas lorsqu'on détenait les rennes du pouvoirs. Anne de Bretagne quoique discrète avec Charles VIII fut une véritable manipulatrice face à Louis XII et lui mena la vie dure. Anne de Bretagne fut sans hésitation très habile en politique et en négociation loin de l'image savamment entretenue aujourd'hui des reines soumises et inutiles. Oui, les reines de France sont souvent considérées à juste titre comme "des ventres sur pattes" destinées à pondre un dauphin pour la succession au trône. Mais non, elles ne servaient pas uniquement à cela. Anne de Bretagne en est la parfaite démonstration. Elle régna sans partage sur la Bretagne, et à certains égards sur les cours européennes, pendant plus de 20 ans (elle est morte jeune à 36 ans d'une maladie qui l'a fauchée en quelques semaines).


La vie passionnante et passionnée d'Anne ne me fera cependant pas oublier qu'elle tenta de vendre une partie du royaume de France à Charles Quint en mariant ses filles et les dots affiliées aux forces étrangères. Des traités furent établis pratiquement au nez et à la barbe du roi de France. Anne de Bretagne refusait catégoriquement de marier Claude de France (sa fille aînée) au Duc d'Angoulême (future François Ier) selon la volonté de Louis XII soucieux de la pérennité de son royaume. Le mariage de cette dernière avec Charles Quint aurait entrainé la perte de la quasi totalité des territoires de l'est ainsi que la Bretagne. L'auteur parvient par un truchement ridicule à trouver des excuses à la reine en la disculpant de ses responsabilités. En clair, nous sommes face au cas classique du chercheur qui prend partie corps et âme pour son sujet d'étude sans aucune distance critique. Le coup du : "c'est pas sa faute, elle pensait au bien-être de ses filles", franchement ? On s'en bat les couilles. Les faits sont pourtant clair. Anne de Bretagne qui ne s'est jamais vraiment soucier du royaume de France, a agi en connaissance de cause. La tradition historiographique l'a toujours fait passer pour une bonne reine mais une reine, hélas traîtresse car trop soucieuse de ses intérêt personnels. Et bien vous savez quoi ? Inutile de dépoussiérer les légendes pluriséculaires quant elles s'avèrent vraies. Pas la peine de jouer les héros redresseurs de torts. Philippe Tourault est simplement un mauvais historien concernant tous ces passages. Point à la ligne. Je vous passe également la lourdeur des innombrables passages mièvres sur les sentiments et l'amour des époux royaux, on se croirait dans un mauvais roman de gare. Non pas que l'amour m'indiffère mais bon...franchement, ça va deux secondes quoi !


Pour conclure, Philippe Tourault nous livre un travail plutôt bien documenté, précis sur de nombreux aspects, on ne peut pas lui enlever cela. Pourtant les lourdeurs de son écriture et les partis pris à deux balles toutes les dix pages finissent par agacer le lecteur le plus serein. Anne de Bretagne malgré son erreur en fin de parcours et sa volonté d'écraser Louis XII sur le terrain politique demeure une grande reine. Une biographie indispensable pour ceux qui souhaitent comprendre l'histoire des femmes en occident et la construction du royaume de France.

silaxe
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le 27 déc. 2018

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