Matthew et Marilla Cuthbert, frère et sœur habitant la même demeure sur l'île du Prince Edouard au Canada, décident un jour d'adopter un jeune garçon qui pourrait aider Matthew aux travaux de la ferme. Mais en arrivant à la gare où il est censé récupérer le jeune homme, surprise, il s'agit d'une petite fille ! Très vite celle-ci se montre aussi surprenante qu'attachante, et bien que décidés de prime abord à ne pas garder la demoiselle, les Cuthbert vont peu à peu se résoudre à adopter la petite et apprendre à l'aimer.
Et c'est difficile de ne pas aimer cette héroïne qui a pourtant tout du personnage agaçant. Elle est bavarde comme une pie, a des sautes de concentration fréquemment, peut se montrer excessive dans l'expression de ses sentiments, on pourrait facilement la trouver insupportable. Pourtant comme pour sa famille d'accueil le sentiment d'attachement vient très vite.
Car si Anne est bavarde, elle démontre une curiosité et une soif d'apprendre incommensurable, en faisant un être de connaissance à l'ambition jamais tarie ; si elle a des problèmes d'attention qui la font faire moult bêtises, c'est parce qu'elle a une imagination exaltée au plus haut point, lui donnant envie de nommer toutes les choses de l'univers, de parcourir le moindre sentier, de humer la moindre senteur automnale, florale, de regarder de manière incessante par la fenêtre pour imaginer des histoires féeriques ou romanesques ; et si elle est parfois rancunière ou colérique c'est parce que son sentiment d'abandon, bien compréhensible, ressurgit suite à une déception causée par autrui ou par ses propres agissements.
L'écouter évoquer sans interruption son amour pour les gens qui l'entoure, ses rêveries inépuisables, sa volonté d'apprendre et de grandir en font un des personnages de littérature les plus aimables jamais crée ! Et le cadre dans lequel elle évolue contribue à exalter son pouvoir d'imagination et sa soif de découverte. Avonlea semble un endroit charmant, où la nature s'épanouit, sur lequel les saisons glissent en proposant une variété de lumières, de senteurs et de vues inoubliables. Une nature épanouie qui accompagne l'évolution de notre personnage désormais fétiche.
Tout autant que les gens qui peuplent ce coin de paradis. Oh bien sûr certains sont antipathiques de prime abord, expriment même de l'animosité envers Anne, à l'image de Rachel Lynde, acariâtre vieille femme dont les sentiments vont lentement se transformer en appréciation voir en admiration devant la jeune fille, bien qu'elle ne comprenne toujours pas pourquoi elle ne reste pas à sa place de "femme", pourquoi l'adolescente cherche à apprendre la latin ou le grec, pourquoi elle s'éloigne finalement de la condition de la femme soumise aux tâches ménagères qui en font une bonne épouse, soutien indéfectible d'un mari travailleur et responsable du gagne pain. Même Marilla, "mère adoptive", est au départ très sèche avec l'enfant, engoncée dans une éducation stricte empreinte de catéchisme et de rigueur disciplinaire. Mais là aussi le cœur va vite fondre de commisération et d'amour devant cette petite boule d'affection qu'est Anne.
Intense, passionnée, imaginative, curieuse, Anne est un compagnon de lecture inoubliable, dont les aventures sont formidablement racontées par la plume de Lucy Maud Montgomery, conteuse de talent pour l'occasion, qui permet au roman d'être un classique instantané, roman initiatique comme beaucoup d'autres avant lui, mais dont l'héroïne forte et décidée sublime le propos et le récit.