Quand une loi est injuste, doit-on quand même la respecter ou a-t-on le devoir moral de l'enfreindre pour obéir à un idéal plus élevé ? C'est la question qui se trouve au cœur de l'histoire d'Antigone, fille d'Oedipe qui n'accepte pas que le corps de son frère pourrisse en pleine nature.
La question est : que peut apporter Jean Anouilh à la pièce de Sophocle ?
La réponse se trouve dans la date. Antigone a été écrite sous l'Occupation. Pour le public français de 1944, la question de l'obéissance à des lois injustes est d'une brulante actualité. Anouilh montre à quel point une histoire de plus de 2000 ans est intemporelle. D'où la présence de nombreux anachronismes.
Il a modernisé le langage et les personnage, mais la tragédie est toujours là, parfois terrible (les adieux d'Antigone à son fiancé sont déchirants).
La pièce est centrée autour d'un immense dialogue, qui tient presque la moitié du texte. L'affrontement entre Antigone et Créon, la nièce et l'oncle, la rebelle et le roi. Si les autres scènes (du début en particulier) sont déjà très belles, on atteint là un niveau exceptionnel, qui suffit à faire de cette pièce un des classiques de la littérature française. L'intelligence des propos, l'enchaînement des répliques, la subtilité des psychologies, tout y est.
Et j'adore le personnage de Créon. C'est lui le grand perdant de la pièce, c'est autour de lui que s'accumulent les cadavres. C'est lui qui a tout sacrifié à la cité. Thèbes lui a tout pris. Lui qui rêvait d'une vie modeste se retrouve au centre d'une tragédie qu'il veut éviter à tout prix. L'homme simple devient personnage tragique, avec son lot de sang et de pleurs. Un des personnages les plus émouvants de la littérature.