"Any human heart", ou la vie entière d'un homme racontée par lui-même en 490 pages.
De ses premiers souvenirs d'enfant à Montevideo dans les années 1910, à sa mort dans le sud de la France sous Mitterrand, la vie de Logan Mountstuart nous est restituée par une compilation chronologique de ses journaux intimes, annotés en bas de page par un mystérieux narrateur qui ne prendra la parole qu'à la fin pour relater les circonstances de la mort de Logan.
William Boyd aime jouer avec la frontière entre réalité et fiction, laissant planer le doute sur l'identité du héros et du narrateur. Logan a-t-il vraiment existé ? Le narrateur comblant les ellipses pour apporter des précisions est-il William Boyd ?
Durant sa vie, Logan croise Joyce, Woolf, Picasso, Pollock et beaucoup d'autres personnalités célèbres, ce qui brouille encore plus les cartes du lecteur. L'auteur pousse même le vice jusqu'à raconter la vraie-fausse rencontre de son protagoniste avec un peintre dénommé Nat Tate, dont une note nous indique qu'une monographie lui a été consacrée, rédigée par...William Boyd lui-même. Une recherche Google me permit de vérifier que l'ouvrage existait bel et bien – contrairement à Nat Tate – , véritable canular ayant dupé certains acteurs du marché de l'art se remémorant subitement avoir connu cet artiste, fruit de l'imagination de Boyd.
Logan appartient en tout cas à la fiction, étant à la fois un personnage comme tout le monde, et doté d'un destin exceptionnel.
Il traverse les décennies et les grands évènements du XXeme siècle, vivant plusieurs vies en une, changeant de peau à chaque fois. Tantôt écrivain, reporter, espion, galeriste, il passe par Londres, Paris, New-York, la prison en Suisse, Madrid pendant les combats de la guerre civile espagnole, ou encore les Bahamas avec le duc de Windsor et Wallis Simpson.
J'ai dévoré le livre, toujours curieuse de connaître la suite, savoir comment il allait évoluer, ce qu'il allait devenir. C'était aussi une étrange façon pour moi de me mettre dans la peau d'un homme, d'être au cœur de ses pensées, ses petits bonheurs futiles, ses doutes, ses échecs, ses hontes. Le roman, très drôle lorsqu'il porte sur l'adolescence du héros, devient ensuite maussade et amer. Les événements de la vie de Logan, notamment ses drames, modifient sa personnalité pour en faire peu à peu un homme vide, dur et désenchanté. Faut-il en déduire quelque chose sur notre propre parcours, ressortir le fameux adage "carpe diem", méditer sur le sens de la vie ? Pourquoi pas, mais le livre ne tirera aucune conclusion pour vous ; il raconte la vie d'un homme, c'est tout.
Sans qu'il soit un grand roman, je l'aurai au final trouvé très agréable, touchant, et même assez réaliste. Non pas dans les faits mais dans la construction mentale de ce personnage auquel on s'attache, que l'on observe avec compassion et indulgence. Il est l'anti-héros par excellence, en qui on peut tous un peu se retrouver, ou pas, pour ceux préférant rester aveugle sur leur propres vices ou petites médiocrités...
A noter que l'ouvrage a été adapté en série de plusieurs épisodes à la télévision britannique par la chaîne Channel 4, avec une panoplie d'acteurs anglais célèbres-dont-on-ne-connait-pas-le-nom-mais-qu-on-a-déjà-vu-jouer-quelque-part : http://www.imdb.com/title/tt1631891/
Isla
7
Écrit par

Créée

le 17 janv. 2012

Critique lue 222 fois

Isla

Écrit par

Critique lue 222 fois

Du même critique

Quartier lointain
Isla
9

A la recherche du Japon perdu

Difficile d'être objectif et d'avoir du recul lorsqu'on a beaucoup entendu parler d'un livre avant de le lire. Je savais avant d'entamer la lecture que c'était une excellente BD et me doutais que je...

Par

le 26 juin 2011

11 j'aime

7

Chroniques birmanes
Isla
6

Déception birmane chronique ?

Après "Shenzhen" et "Pyongyang", "Chroniques birmanes" est le troisième carnet de bord que publie Guy Delisle, dessinateur nomade originaire du Québec. Ayant particulièrement aimé les deux premiers...

Par

le 6 janv. 2012

11 j'aime

7

Les Falsificateurs
Isla
5

"Les falsificateurs" et "Les éclaireurs" : Les esbroufeurs

Belle idée que celle qui sert de trame aux deux romans d'Antoine Bello « Les falsificateurs » et « Les éclaireurs » : une organisation secrète internationale nommée le CFR (Consortium de...

Par

le 3 juil. 2011

8 j'aime

2