Jenny Zhang vient de balayer ce super mauvais goût dans la bouche que m’avait laissé Suzie Yang dans le roman Ivy aux éditions Calmann-Lévy. Plutôt que de se concentrer sur la détermination des sino-américains à vouloir gravir les échelons sociaux par tous les moyens possible, l’autrice relate ici sous forme de nouvelles, le ressenti des enfants, préadolescents, adolescents et jeunes adultes des immigrés chinois venus aux États-Unis pour fuir la Chine et y vivre le rêve américain des années 90.
Double culture, choc des cultures, mutation des cultures, apprendre à vivre dans la pauvreté et la misère, faire fi des endroits qui puent la merde, le sang, la mauvaise bouffe. Faire abstraction de l’assourdissement humain de New-York, se confronter aux différentes nationalités et leur signification dans le symbolisme populaire, voilà entre autre de quoi Jenny Zhang est capable ici.
On pourrait presque y lire des morceaux de journaux intimes, mais la part donnée aux familles restées en Chine, à celles qui font les allers retours, à l’évocation des conditions invivables de cumuler plusieurs boulots pour les parents surqualifiés afin qu’ils puissent accueillir le reste de leur famille et leur offrir une vie plus digne, fait qu’on s’éloigne de de ces journaux intimes, pour se tourner vers un quasi documentaire narratif et littéraire.
C’est un livre dur, obscène, touchant, dégueulasse, insupportable, mais le courage, la philosophie de vie de ces immigrés chinois taillés dans du roc et conditionnés pour rendre la vie de leurs enfants exécrables afin qu’ils soient protégés des désillusions à venir font de ce recueil une petite pépite acide, une mutation sino-grunge typiquement raccord avec la promesse que nous laissait les années 90.
Pfiou.