Après l'orage par MarianneL
Dans le nord de l’Argentine, au milieu de nulle part, la voiture du Révérend Pearson est tombée en panne. Conduit dans le garage isolé tenu par El Gringo Bauer et son fils Tapioca, ce prêcheur aux discours et aux yeux ensorcelants, qui parcourt les routes délaissées du fin fond de l’Argentine pour accomplir son ministère, attend avec sa fille Leni la réparation de la voiture. El Gringo Bauer était une force de la nature mais il décline et manque maintenant de souffle ; «Mes poumons sont pourris» avoue t-il au début du roman.
Peu de choses se passent, l’air est lourd et statique, comme si la chaleur étouffante du désert, que seules quelques bières rafraîchissent, ralentissait toute action. Tandis qu’elle El Gringo sonde les entrailles du moteur, les destins en creux des deux adolescents privés de mère se dévoilent, et le révérend profite de ce temps mort pour tenter de convertir Tapioca, en qui il place le souffle d’un nouvel espoir.
«Tapioca, en revanche, était aussi pur qu’un nouveau-né. Ses pores étaient béants, prêts à absorber Jésus avant d’en remplir ses poumons.»
La tension monte entre Pearson et Bauer, pour convertir le jeune homme ou au contraire le conserver dans une trajectoire et une éducation hors de toute croyance religieuse, tension qui atteint son paroxysme alors que l’orage va éclater au-dessus du désert.
Talentueux, mais sans grande découverte, dans la lignée de romans nord-américains du XXème siècle, en particulier Erskine Caldwell, ce premier livre de l’argentine Selva Almada, a un titre original «El viento que arrasa» (le vent qui balaie) qui éclaire son intention de nous montrer ces trajectoires statiques soudain balayées par un souffle.
«L’œil du Révérend se mit à briller. Il se leva et avança jusqu'à Tapioca. Il se pencha légèrement, cherchant à voir son visage.
- Tu as été baptisé ?
Tapioca leva la tête et le Révérend se vit dans ses grands yeux sombres, aussi humides que ceux d’un chevreuil. Les pupilles du jeune homme se rétractèrent avec une pointe de curiosité.
- Tapioca ! cria Bauer. Viens voir ! J’ai besoin de toi.
Le jeune homme tendit le verre au Révérend et il partit en courant pour rejoindre son patron. Pearson leva le verre graisseux et esquissa un sourire. C’était sa mission sur terre : récurer les esprits sales, les rendre à leur pureté originelle et les remplir de la parole de Dieu.»