L'an dernier, j'ai découvert l'écriture et l'univers de David Vann avec "Sukkwan Island" ; j'avais alors pris une sacrée claque. "Sukkwan Island" est en effet le genre de récit qui vous hante durablement.
En plongeant dans "Aquarium", je m'attendais à retrouver une crudité proche de la cruauté, une violence ordinaire extraordinaire à mes yeux et un style concis et frontal comme un crochet du droit ; mon attente n'a pas été déçue.
Caitlin a douze ans et elle vit avec Sheri, sa maman solo docker qui semble en avoir bien bavé dans l'existence. Caitlin attend après l'école que Sheri vienne la chercher et elle patiente à l'Aquarium de Seattle, ayant la passion des poissons et rêvant de devenir ichtyologue. C'est là qu'elle fait un jour la connaissance d'un homme âgé qui devient rapidement son ami. Mais aux Etats-Unis, nineties, un vieil homme qui colle d'un peu trop près une fillette, ça fait tiquer. D'autant qu'à son contact, Caitlin semble percevoir une sorte de secret dont seule sa mère possède la clé.
L'entrée dans le récit est assez lent, c'est une plongée en eaux profondes où il est beaucoup question d'analogies entre le monde aquatique - dont je suis peu familière et peu friande - et le monde terrestre. David Vann se plaît dans ses passerelles stylistiques et prend son temps - un peu trop à mon goût - avant de donner du rythme à son action. Mais c'est connu, la patience est toujours récompensée et la narration prend un brusque virage qui fait basculer "Aquarium" dans le thriller psychologique avec une belle dose de suspense, de violence tour à tour contenue ou déchaînée, et de noirceur à peine zébrée de quelques fulgurances lumineuses.
Je ne ressors pas essorée d'"Aquarium" comme ce fut le cas avec "Sukkwan Island" et je sais que je serai moins marquée par ce récit dans la durée, mais avec cette seconde lecture, je distingue désormais l'importance pour l'auteur de traiter des rapports parents-enfants et de leur lourde charge de paradoxes, entre sauvagerie, abnégation, tendresse et rancune. Un sujet qui fait généralement très mal, des bleus à l'âme, comme nuancés par les néons d'un aquarium.
J'achève mon billet en précisant que le roman est illustré par plusieurs espèces de poissons, ce qui le rend original et suscite la curiosité. Enfin, côté stylistique, j'ai particulièrement apprécié les "effets de lumière" au propre comme au figuré qui donne vraiment au lecteur la sensation d'un monde clos, abyssal, inconnu et mystérieux.