Shayna, personnage central, est née aux USA en 1992, 24 ans au moment du récit. Son père Joël est issu d'une famille juive d'origine tchèque assassinée dans les camps nazis. Née de GPA, elle a deux mères, Selma, afro-américaine, sa mère "biologique", et Lili-Rose, la femme de Joël (la deuxième car avant il y a eu Natalie), qui vient d'une famille d'ascendance irlandaise. Joël et Lili-Rose ont transcendé leurs blessures affectives dans des carrières intellectuelles brillantes. De Selma on ne sait rien mais elle est au centre de la quête indentitaire de Shayna, le fil rouge du livre. En Shayna convergent toutes ces histoires, racontées en parallèles et flash-back et balisées par quelques événements de la grande histoire, certains réduits à de simples repères distants des destins individuels (les guerres du Viet-Nam, Irak, Afghanistan...), d'autres déterminants à part entière de leurs parcours (mouvements de défense de la cause des homosexuels, antiségrégationistes, féministes). Les questions contemporaines autour de la laïcité, de la procréation, de la mémoire, du genre, des origines, de l'héritage, entrent en résonnance avec les destins des personnages et en influencent le cours. C'est un récit puissant, violent, de figures cabossées par le poids d'histoire ignorée mais pourtant reçue, les événements subis, les quêtes impossibles, le manque d'amour, et au final et pour tous, le manque de parole. Cette parole manquante, l'auteur tente de l'apporter à Shayna à travers le "tu", elle lui parle, comme un début de thérapie. Et parce que la vie va de l'avant malgré l'héritage et les traumas, les rencontres apportent aussi des résiliences incarnées par Felisa, l'amie écorchée elle-aussi, Hervé, l'amant, qui l'emmène en Afrique, chercher encore un peu de Selma, rencontrer le cadre d'un passé, réparer peut-être.