- Lu en anglais, il est probable que quelques éléments par ci par là m'aient échappé. *
Arcadia est une pièce publié en 1993 par Tom Stoppard, un des grands noms du théâtre britannique contemporain. Elle a pour principale originalité de se dérouler dans un espace unique, une petite étude dans un manoir victorien, mais occupée tour à tour le long de deux temporalités en montage alterné par les habitants du manoir en 1809 puis par deux chercheurs qui s'affrontent à notre époque. La découverte progressive des actions des premiers conditionnera évidemment l'évolution des recherches des seconds, jusqu'à ce que la fin de la pièce fasse se rejoindre les deux lignes chronologiques en brouillant les cartes au profit d'une union thématique : tous nos personnages essaient de prendre place dans le monde grâce aux découvertes de leurs esprits ou aux rencontres de leurs corps.
Cette espèce de discussion dualiste que présente la pièce dans ses interlignes est ce qui vient donner de l'originalité et de la qualité au livre de Stoppard. Dans la temporalité 1, le nœud important se construit autour du désir d'une jeune élève mûrissant vite, innovatrice dans les mathématiques mais née trop tôt pour avoir à disposition les outils permettant d'exploiter ses intuitions, pour son précepteur, condisciple complexé et obscur de Byron. Dans la temporalité 2, Bernard, un universitaire enthousiaste mais carriériste, est autant aspiré par son désir de percer un secret inédit sur le poète que par la relation d'amour – haine qui le lie à sa « collègue », Hannah, intelligente mais aussi trop désincarnée pour réussir à s'imposer dans le monde violent de la compétition.
Tom Stoppard dispose ces ensembles de personnages qui débattent, découvrent, creusent pour se dévoiler, et souvent se livrent à la brûlure du soleil par là, pour nous faire réfléchir sur nos conditions d'exposition au monde et sur ce qui peut alimenter le moteur de nos envies, dans une perspective hédoniste de la quête des savoirs. On découvre par exemple comment l'aboutissement d'une quête scientifique peut être le déclencheur d'une maturité suffisante pour aimer, comment l'exploration est utilisée comme dissipateur d'une énergie érotique qui ne peut trouver d'autres dépôts, ou encore comment l'erreur et l'ennui deviennent littéralement castrateurs.
La pièce met en scène tout un ballet où, sans vraiment lutter, l'esprit valse avec le corps dans un combat sans domination mais où l'un prend le relais lorsque l'autre défaille.
C'est assez malin et assez efficace dans le traitement, bien que l'idée soit déjà vieillie – Faust et tous les Balzac de scientifiques ne discutent guère autre chose.