On a souvent tendance à se focaliser sur la ou les séries phares qui ponctuent la carrière d'un écrivain. Sauf qu'elles ne sont pas nécessairement les plus parlantes, d'un point de vue stylistique ou même personnel. Un aficionado traversera cette quête, d'aller fouiller parmi la bibliographie de ses auteurs de chevet pour y dénicher quelques pépites méconnues ou séminales. Vouant une admiration sans borne à Donald E. Westlake, je tenais à découvrir l'éventail de ses talents. Passé d'un extrême à un autre avec la comédie policière* et le roman noir, que restait-il ? De très belles choses. Véritable touche-à-tout, l'artiste à la machine à écrire a multiplié les one-shots et avec eux les genres : science-fiction, satire, drame, pastiche, polar ou délire méta. Sur l'ensemble, il y a une palanquée d'incontournables parmi lesquels le glaçant Couperet, le railleur Faîtes-moi confiance, le tragique Ordo ou le très cocasse Adios Schéhérazade. Le livre du jour, Argent Facile, n'appartiendra malheureusement pas à cette catégorie.


Sur le papier, Westlake semble dresser un pont avec sa zone comique : le postulat improbable, le héros dépassé, le personnage de Robbie (l'acteur gonflé). Seulement, cette approche n'est jamais assumée, l'intrigue s'échinant à instiller une gravité qui fait discordance. Les deux mouvements se font réciproquement obstacle, et l'impression que l'auteur s'est volontairement bridé pour ne pas trop rappeler ses précédents travaux dans la série des Dortmunder. La meilleure partie est paradoxalement l'exemple le plus probant de la schizophrénie bloquant Argent Facile. Il s'agit du final, tendu à souhait mais dont la conclusion absurde dénote. Ou est-ce la sécheresse antérieure qui ne colle pas avec cette conclusion plus légère ? Un peu des deux, le problème est là. Comme souvent chez Westlake, le découpage de l'intrigue aère la lecture, ce qui a tendance à la faciliter grandement. Et sporadiquement, la nature rigolarde de l'auteur se glisse à quelques occasions. Hélas, je ne retiendrai pas grand chose de cette aventure indépendante, ne sachant jamais sur quel pied danser.


*De par sa proximité avec les mésaventures de Dortmunder, je compte l'inoubliable Aztèques Dansants comme un volet officieux.

ConFuCkamuS
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le 19 mai 2021

Critique lue 23 fois

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