Ariane est un roman-témoignage sur une amitié amoureuse, intense et toxique, entre deux adolescentes issues de milieux sociaux différents dans la région de Nivelles (Belgique) dans les années 1990. La narratrice (sans prénom, peut-être pour mieux souligner l'emprise dont elle fait l'objet, ou pour suggérer sans la confirmer une identification avec l'auteure?) raconte vingt ans plus tard les deux années de cette relation qui ont marqué sa personnalité à jamais. Elle décrit sa fascination pour Ariane, une jeune fille issue d'une famille aisée cherchant sans cesse à repousser les limites en se moquant des autres. Alors que leur relation devient de plus en plus exclusive et leurs "jeux" de plus en plus cruels, l'amour se teinte progressivement de jalousie, de peur et de haine, entraînant une rupture traumatique pour la narratrice.
Le style de l'auteure, très imagé, son vocabulaire cru (les amies s'adressent l'une à l'autre avec des petits mots doux du genre "pétasse" ou "salope"...) et sa description de scènes parfois dérangeantes (comme des scènes de bizutage) peuvent choquer au premier abord, mais cette provocation, loin d'être gratuite, reflète la violence des sentiments éprouvés par ces jeunes filles de 13-14 ans. Dès les premières lignes, la narratrice exprime avec colère et ironie son rejet de sa famille et de son environnement petit bourgeois conservateur. La banalité du quotidien se transforme toutefois en aventure extraordinaire à mesure que les deux adolescentes s'inventent un monde parallèle avec ses propres codes.
Mais les petits jeux malsains créent rapidement un engrenage, annonçant une fin violente et douloureuse. Malgré la cruauté dont elles font preuve envers les autres, puis l'une envers l'autre, on ne peut s'empêcher de ressentir une certaine empathie à l'égard de ces jeunes filles incomprises en quête d'identité et de reconnaissance. L'auteure-narratrice joue avec la vérité, reconnaît la subjectivité de sa mémoire, mais cette ambiguïté assumée créé paradoxalement une sorte d'authenticité qui rend son récit-confession touchant et confrontant.
Au final, Myriam Leroy nous offre un premier roman fort, percutant dans le fond comme dans la forme, nous poussant à réfléchir sur la façon dont nos traumatismes d'adolescence ont influencé les adultes que nous sommes devenus...