Quel plaisir que de se glisser dans ce bras-de-fer intellectuel entre deux pointures littéraires telles que Lupin et Holmes (rebaptisé Sholmès, mais ça ne trompe personne) ! Surtout sous la plume d'un écrivain plein d'esprit, qui manie l'ironie gentille et le sous-entendu avec une telle précision. Disons que ça change de la grosse cavalerie qui prévaut parfois dans le genre policier. Et surtout, ça n'est jamais sombre. Et ça, j'avoue que ça fait du bien. Même si ça permet de mesurer l'écart des mentalités d'une époque à l'autre, et que la nôtre n'en sort pas forcément grandie. Par exemple, lorsque les deux vedettes sont sur le point d'accomplir un mouvement décisif, elles font assaut de chevalerie, de courtoisie et de fair-play. Eh bien c'est un vrai bol d'air : personne ne tire dans le dos de personne, ne crève d'oeil en écumant de sadisme, ne profite de la faiblesse de son adversaire, ne se carapate vilement, n'abuse de la faiblesse physique des femmes ou morale de leurs époux, n'enfonce de couteau dans la plaie de la police humiliée, ne ricane grassement, non, tout reste aérien, gracieux et poli, et ça n'enlève rien à l'acuité du duel ou aux dangers encourus. Le suspense ne repose que sur un concours d'intelligence et de prévoyance, de déduction et d'anticipation, les répliques volent haut, tandis que les menus défauts des personnages (orgueil, amoralité, vanité ou désinvolture) s'avèrent bien plus attrayants que les traumatismes d'enfance des serial killers qui jubilent d'équarrir leurs semblables. Bref, une journée à la plage pour la tête, en l'absence de sable et de parasol, c'est toujours bon à prendre.