C'est tout bizarre de refermer ce livre. On a un peu envie de regarder les gens qu'on va croiser dans la rue avec plus de douceur, de plonger dans une filmographie de Scorcese - l'hémoglobine en moins- et de faire attention à tous les petits détails qui font la force des populations immigrées.
Quand j'étais plus petit j'adorais regarder le générique d'Une nounou d'enfer, et puis j'étais malgré moi amoureux de Fran Drescher. Je sais pas si vous vous souvenez, mais la petite domestique juive qui vivait son conte de fée avait une grand mère cinglante, mordante et drôle qui s'appellait Yeta.
Et bien tous ces petits moments nostalgiques sont venus percés la surface de ma mémoire à la lecture d'Attachement féroce.
Dans les années 80, Vivian Gornick, auteure féministe, arpente les rues de New-York avec sa vieille mère. Elles se remémorent ensemble leur vie passée dans le Bronx, philosophent sur l'Amour, la condition des femmes au début du 20e siècle dans les quartiers populaires cosmopolites où tentaient de survivre les italiens, les russes, les noirs et les juifs (ce qui est super bizarre parce que tu peux être juif et russe ou italien, mais bref).
Vivian développe l'attachement qu'il y a d'abord avec sa mère (forcé, naturel et parfois superficiel), mais celui qu'elle a entretenu avec les autres femmes qui ont croisé son chemin (dont une jeune voisine, devenue veuve beaucoup trop vite, avec un apétit sexuel énorme).
À chaque souvenir raconté (certains touchants et d'autres complètement bouleversants ou choquants aujourd'hui), il y a toujours cette frontière très mince entre l'amour et la haine qu'on porte volontairement à sa famille et surtout à sa mère.
Tu sais je suis un garçon mais y'a plein de trucs qui m'ont fait remonter la boule dans la gorge alors je suis pas d'accord pour dire que c'est un roman qui plaira surtout aux filles.
Pour Vivian je pense que ça a plus souvent été la fête des nerfs que celle des mères et pour moi je suis vraiment, mais vraiment content-charmé par cette découverte littéraire.
C'est beau comme un film en noir et blanc, avec pour toile de fond le New York d'avant qu'on le pourrisse du rêve américain. Aussi dur que sublime.