Au bonheur des dames par San
Zola m’a toujours fais peur. Voilà je l’avoue à vingt-trois ans, je n’avais jamais lu du Zola. Les écrivains français et moi on à un peu de mal, je rêvais de lire « Les Misérables » et malgré le fait que l’histoire m’intéresse je n’ai pas réussi à finir le premier tome d’Hugo. Maupassant est mon cauchemar et me fait horreur, Flaubert m’a séduit avec « Madame de Bovary » puis ennuyé avec « Salambo », Marguerite Duras me donne de l’urticaire tandis que Dumas et moi avons eu un début plus que difficile. Du coup, j’ai toujours hésité à lire du Zola, probablement moi aussi atteinte des préjugés de notre époque.
Alors qu’est-ce qui m’y a décidé ? Pour tout vous dire, une petite série anglaise de la BBC, très librement inspirée du livre. La série était sympathique sans plus mais je fus intriguée et décidais de m’intéresser au livre.
Je n’ai jamais été quelqu’un de fort patient et le dernier exemplaire du livre disponible à Liège avait une couverture rose douteuse mais je décidais tout de même de l’acheter, après tout ne dit-on pas que l’habit ne fait pas le moine ? Dans le cas des livres autant vous dire que la couverture fait souvent le livre mais je digresse. Il se trouve que le livre que j’avais acheté était une version simplifié du « Bonheur des dames » de plus d’une centaine de pages pour étudiant dans le secondaire.
{Ce passage n’est pas indispensable-Ceci est une gueulante, vous voilà prévenu}
Je voudrais prendre ici cinq brèves minutes et vous demandez : Pourquoi ? Pourquoi, amputer un livre d’une bonne partie de son récit au risque de le rendre incohérent ? Parce que non content d’enlever des pages de description qui sont la marque de fabrique de Zola, comme de beaucoup d’autre auteur, on enlève aussi des intrigues et des personnages.
Autant vous dire que je me suis sentie flouée. Le phénomène m’était déjà arrivé. J’avais alors seize ans et on m’avait donné à lire « Les Trois Mousquetaires » en version simplifiée pour le cours d’histoire. Le livre original fait à peu près 700 pages tandis que la version simplifiée n’en fait que 200 si mes souvenirs sont bons. Je n’ai strictement rien compris à l’histoire. Je suis ressortie de ma lecture sans avoir compris un seul évènement de l’histoire et comment voulez-vous comprendre quelque chose quand on ôte presque 500 pages à un livre. Alors par pitié, si vous êtes professeur et que vous passez par ici, arrêtez de donner à vos élèves une version simplifiée des livres, les adolescents on déjà du mal avec la lecture, alors si en plus vous leur donnez des livres dont on ne comprend presque pas l’histoire, nous ne sommes pas sortit de l’auberge.
{Fin de la gueulante}
Maintenant que j’ai poussé ma gueulante, on peut repasser au livre. A ma grande surprise, j’ai adoré, j’avais peur de ne pas aimer Zola et de le trouver aussi déprimant que Maupassant et au final pas du tout.
Si on pourrait croire que l’histoire d’amour est l’idée centrale du livre, il n’en est rien. Denise n’est jamais qu’un prétexte pour montrer les changements qui interviennent dans la société française de l’époque. Petite campagnarde qui comptait rejoindre la boutique familiale, elle se retrouve perdue au Bonheur des Dames, grand magasin comme il en existe encore peu qui propose de tout à un prix démocratique et qui écrase les petits commerces. C’est la fin d’une époque qu’on nous montre à travers Denise, celle des petits commerces familiaux incapables de survivre face au capitalisme et surtout incapable de concurrencer les prix de ses grands magasins. Par bien des façons, « Au Bonheur des dames » m’a fait penser à « Nord et Sud » d’Elisabeth Gaskell, qui mettait elle aussi en scène les changements d’une société via une histoire d’amour.
C’est en définitive un très bon classique, que j’ai trouvé très agréable à lire, une fois que j’ai eu la version originale entre les mains. Et plus qu’une jolie histoire d’amour, c’est aussi un roman très représentatif des changements sociaux de son époque et qui d’un point de vue histoire vaut vraiment le coup d’être lu.
Je ne suis toujours pas une grande fan des écrivains français mais au moins je n’ai plus peur de Zola et qui sait, j’en lirais peut-être un autre cet été.