Si comme moi vous pensiez que la concurence (déloyale ?) des grandes surfaces vs le petit commerce avec leur politique de marge faible et de captation des clients est née avec Carrefour et Auchan, que des entreprises comme Google et Microsoft sont les inventeurs du campus d'entreprise... et bien lisez Au Bonheur des Dames vous verrez qu'en 1883 Zola avait déjà vu tout ça. La modernité de ce livre est stupéfiante.
Au Bonheur des Dames nous fait retrouver un Octave Mouret au sommet de sa gloire, son grand magasin avalant les immeubles mitoyens, les uns après les autres, comme j'ai dévoré les pages de ce roman. Tout est assez génial : l'analyse du rapport de force entre petits commerçants et grandes enseignes, les innombrables personnages extrêmement bien campés, la lutte continuelle des employés pour tirer leur épingle du jeu, et enfin un personnage principal qui se conduit de façon humaine : Denise. Étonnant de la part de Zola de ne pas la trainer dans la boue, la luxure et la bêtise dès la première page, ça change de son habitude.
Les scènes d'hystérie commerciale sont assez nombreuses, et un poil lassante sur la fin, mais tout est fait pour retranscrire au mieux les astuces d'Octave pour mettre en transe sa clientèle, quitte à céder à quelques répétitions. On arrive à suivre toute cette démesure sans que jamais le récit perde son fil ou ses enjeux.
Le plus plaisant des Rougon-Macquart que j'ai pu lire jusqu'à présent.