Ecoute seulement les djinns qui guident ta langue d'or !

Qu'est-ce qui a pris à Joseph Kessel d'écrire un roman comme "Au grand Socco" si loin du style habituel de ses romans "l'armée des ombres", "la passante du sans-souci", "Belle de jour" ou encore "les cavaliers" ?


Car on n'est pas loin du style des "contes des mille et une nuits" !
Pensez donc : un petit mendiant, Bachir, de 12 ans environ, bossu devant et derrière, très malin, doué pour le chant et avec une voix agréable (d'or) décide, avec deux autres compagnons d'infortune, Omar au grand fez rouge et Aïcha, gracieuse petite danseuse au tambourin, de partager ses pauvres expériences de sa vie, en public, au grand Socco qui est un marché aux portes de Tanger. Et le voilà devant une assemblée très hétéroclite, très pittoresque et de plus en plus nombreuse à raconter des contes dont le fil rouge sera un petit âne blanc. A la fin de chaque séance, Aïcha passe avec son petit tambourin ramasser quelques précieuses petites pesetas.


Et le très pittoresque public adore, applaudit et commente chacune des histoires : il y a Zelma la bédouine, Ibrahim le marchand de fleurs, Abdullah le pécheur aveugle, le vieil Hussein qui vend du khôl, Mohammed l'écrivain public, Abderrahman le riche badaud, Fouad le paysan craintif ou encore Fatimah l'aïeule …
Et les personnages décrits dans les contes sont des occidentaux, comme Flaherty un journaliste irlandais aux cheveux rouges, grand ami et protecteur de Bachir, une vieille dame très riche et acariâtre et sa petite fille Daisy, une vraie petite chipie qui possède le fameux petit âne blanc mais qui l'abandonnera par caprice. D'autres personnages marocains sont mis en scène, de puissants et riches Tangérois comme Cheik Abd el-Meguid Chakraf ou Maksoud Abd-el-Rahman qui veut que Bachir chante au mariage de sa fille sans oublier Saoud le Rifain qui décille les yeux de Bachir avec ses idées insurrectionnelles et d'indépendance.
Tous ces personnages prennent place dans le très beau conte de Bachir qui a trouvé, un jour, dans la rue un petit âne blanc mourant qu'il amènera à M. Evans, vétérinaire, Prophète des Bêtes Blessées. Il expliquera à Bachir que le petit âne est en si mauvaise posture que d'abord il lui faut de l'amour et demande à Bachir de l'aimer en même temps qu'il le soignera. Bien sûr c'est le même petit âne blanc abandonné par la petite Daisy … Et c'est après bien des aventures que le petit âne blanc sera définitivement à Bachir…


Kessel par le regard et la voix de Bachir, à la fois conteur et témoin, pose un regard faussement naïf à la fois sur la communauté internationale et sur ses compatriotes. Très clairement, il met en évidence le désir d'indépendance des habitants de Tanger vis-à-vis de la tutelle qu'elle soit française ou espagnole.
Saoud le Rifain, qui subjugue Bachir, s'écriera, exaspéré : il n'y a pas un Maroc des Français, il n'y a pas un Maroc des Espagnols ! Pour moi, tous ces pays n'en font qu'un et c'est mon pays !

JeanG55
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le 4 avr. 2021

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