Un pasteur homosexuel refoulé, un chômeur qui rêve d’ouvrir une boutique de vente d’alcools, une jeune fille qui rêve de quitter son foyer familial : tout cela, dans une petite ville de l’Arkansas, ne peut être qu’amener à se rencontrer et à exploser.
La lecture de Sans lendemain, Grand prix de littérature policière 2018, m'avait déjà procuré le plus grand bien. Jake Hinkson, en livrant un passionnant roman noir, faisait alors le portrait d’une Amérique rigoriste et conservatrice, pourtant fascinée par la machine à rêves hollywoodienne. Au nom du bien reprend les mêmes thématiques mais approfondit la complexité de l’intrigue : alors que Sans lendemain se présentait comme le déroulement inéluctable mais nécessaire et logique de décisions prises par le personnage principal, Au nom du bien met plutôt l’accent sur les volontés et les désirs de chaque personnage qui se rencontrent et se frictionnent. Jusqu’à exploser.
Richard Weatherford endosse le rôle d’un pasteur respecté dans une petite ville de l’Arkansas. Père de cinq enfants, mari d’une femme aimante, Weatherford n’est pourtant pas heureux. En tout cas, les problèmes l’assaillent, tel ce coup de fil du jeune Gary qui le sort du lit. Le jeune homme lui demande la modique somme de 30 000 $ en échange de son silence : personne ne saura ce qu’il s’est passé entre les deux hommes et Gary, grâce au pactole, pourra partir loin de cette petite ville avec sa copine. Mais comment trouver une telle somme ? Weatherford se souvient alors que Brian, tout juste chômeur, serait prêt à beaucoup de choses pour ouvrir sa boutique d’alcools à laquelle le pasteur est justement très hostile.
On l’aura compris : Au nom du bien est un très bon roman policier, présentant une mécanique inéluctable et réservant pourtant son lot de surprises et de coups de théâtre. Faisant alterner le point de vue de ses personnages, Jake Hinkson arrive parfaitement à construire chaque psyché : un prêtre homosexuel refoulé se questionnant sur la normalité de ses désirs, sa femme se demandant si son mari l’aime encore, un ancien dépressif prêt à tout pour quitter le foyer familial… L’auteur américain continue d’explorer les tentacules de la religion et l’hypocrisie de l’Amérique trumpienne, et ce pour notre plus grand bonheur.
« Je voulais faire de grandes choses pour Dieu, si seulement Dieu m’avait choisi pour faire de grandes choses.
Mais et endroit est trop petit, et les gens eux-mêmes sont trop petits. Ils ne viennent pas ici pour chercher l’inspiration. Ils ne viennent pas pour trouver la motivation de sortir de chez eux et conquérir le monde pour le Christ. Ils viennent ici pour être dorlotés, pour qu’on leur dise que le monde à l’extérieur des frontières de notre petite ville est devenu fou, qu’il vaut mieux pour eux qu’ils restent ici. Ils se blottissent dans cette église comme dans un pot assiégé tandis que je les conforte dans leurs préjugés et leur donne leur dose hebdomadaire de propos rassurants sur le fait que tout va s’arranger pour ceux d’entre nous qui ont Dieu à leur côté. Ensuite, nous rentrons tous chez nous pour regarder la télévision. »