Qui de mieux que Philippe Jaenada pour réhabiliter l’un des criminels français les plus haïs du XXe siècle ? L’auteur n’en est pas à son premier coup d’essai (ni à son premier succès (il a quand même gagné plusieurs prix littéraires, pour ceux qui y portent de l’importance)) et réussit une fois de plus à nous captiver avec cette nouvelle enquête littéraire.
Dans Au printemps des monstres, il revient sur l’histoire de Lucien Léger, meurtrier présumé de Luc Taron, un garçon de 11 ans retrouvé assassiné dans une forêt de la région parisienne un matin de mai 1964. Après un mois à provoquer la presse et la police avec des messages signés « XXX l’Étrangleur », il sera finalement arrêté et condamné à perpétuité. Mais Lucien Léger, qui a d’abord bien reconnu être l’auteur des lettres (et par la même occasion le tueur attitré) passera 41 ans en prison, bien plus que de nombreux criminels, et clamera finalement son innocence pendant quatre décennies. Cette affaire avait autrefois déchaîné les passions, et l’enquête (à raison) s’était révélée être un sacré casse-tête, casse-tête que s’est empressé de résoudre Jaenada (je m’avance – on ne sait pas, on ne peut être sûr de rien, car Lucien Léger est mort et tous les protagonistes de l’affaire aussi – ou presque). Et si Lucien Léger avait eu raison ? S’il n’avait pas été l’auteur du crime ? Et si c’était là l’une des plus grosses erreurs du système judiciaire français ?
Imaginez ce fait divers décortiqué avec soin ; c’est que l'auteur a passé plusieurs années à amasser les preuves et à les étudier. Dans cette (grosse — 750 pages bien tassées) enquête, il nous livre ses conclusions et réussit à convaincre. Sa plume (caustique, jouissive) n’y est pas pour rien, puisqu’il agrémente son texte de parenthèses en cascade, nous régalant de ses aventures littéraires (entre autres). Un auteur que je regrette de ne pas avoir découvert plus tôt (heureusement pour moi, j’ai matière à me mettre sous la dent !).