Les amants de l'absolu ne rejettent ce qui est que par une croyance éperdue en ce qui n'est peut-être pas.
Aurélien est une œuvre magistrale, profonde et troublante.
D'ailleurs, elle aurait pu s'appeler Bérénice.
Non, non... car celle-ci de Bérénice est ailleurs, elle est l'ailleurs.
Cette Bérénice est l'absence et l'absolu en même temps.
Cette Bérénice est l'allégorie de l'inaccessibilité du bonheur, toujours en fuite.
Cette Bérénice, j'en suis moi aussi tombé amoureux.
Car le génie d'Aragon fait que je me suis identifié à Aurélien. Non... plus qu'identifié. Quand je lisais, j'étais Aurélien.
Quand Aurélien était heureux, j'étais heureux.
Quand Aurélien souffrait, je souffrais avec lui.
Quand Aurélien était déçu, je partageais sa déception.
Moi aussi, j'ai été jaloux.
Moi aussi, j'ai plongé dans ce Paris des années vingt, des années folles.
Moi aussi, je me suis noyé dans la débauche.
Moi aussi, j'ai aimé.
Moi aussi, j'ai pleuré.
Moi aussi, j'ai reçu cette balle dans le bras.
Enfin, moi aussi, j'ai eu le goût de l'absolu. Cette insatiable volonté de plénitude, de perfection, de boucle bouclée.
Quand je lis Aurélien, je est un autre, comme disait Rimbaud. Cet autre, il s'appelle Aurélien Leurtillois.
Et en refermant le livre, comme on refermerait une vie toute entière, j'ai ressenti comme un grand vide. Un manque. Une absence.
Bérénice était là.