Sur un vaisseau spatial gigantesque, un peu plus de deux mille personnes sont en chemin vers Aurora, satellite naturel d’une planète du système Tau Ceti, situé à 12 années-lumière de la Terre. Ce voyage durant plusieurs dizaines d’années, le vaisseau est habité par sa sixième génération d’humains, celle qui pourra enfin le quitter pour s’installer sur Aurora, découvrant un nouvel environnement et ses dangers.
Kim Stanley Robinson est surtout connu en France pour sa Trilogie Martienne, expliquant par le détail l’histoire de la terraformation de Mars. Aurora utilise un point de départ inverse : plutôt que d’adapter une planète proche à notre environnement, allons coloniser une planète (ou en l’occurrence le satellite d’une planète) lointaine qui serait déjà adaptée à nos besoins. Ce point de départ mis à part, Aurora fonctionne comme la trilogie martienne : Robinson explore toutes les questions, aussi bien techniques que sociologiques, que ce long voyage permet de se poser : cette planète semblable à la Terre est-elle colonisable et si oui, comment, avec quels moyens ? Quels dangers peuvent surgir ? Des gens qui n’ont connu que le vaisseau peuvent-ils le quitter ? Vont-ils se quereller lorsque des décisions devront être prises ? Quelle forme de pouvoir doit être en place dans le vaisseau pour garantir son fonctionnement optimal et pacifique pendant si longtemps ?
Toutes ces questions et bien d’autres sont évoquées au cours du récit. Si l’auteur est obligé d’en passer par quelques tunnels d’explications parfois laborieux, l’immense majorité de ces interrogations est abordée avec brio, rendant la lecture d’Aurora exaltante sur le plan des idées. Et contrairement à certains autres romans de Robinson, il n’oublie pas de raconter une histoire, de transformer cette érudition en page-turner grâce à un rythme efficace et une intrigue à rebondissements. On regrettera juste des personnages pas vraiment creusés, plus présents comme archétypes que véritablement humains et un style quelque peu plat (que l’auteur semble expliquer par une pirouette sur la nature du narrateur). Enfin, signalons que si l’on est clairement dans une science-fiction ultra-technologique, Robinson sait parler de science à tous les lecteurs : nul besoin de connaissances pointues pour le lire et le comprendre. Aurora est plus qu’un roman sur l’exploration spatiale, c’est aussi un grand roman sur l’être humain, son devenir et la nécessité de protéger la planète.