Difficile de définir le genre de ce chef d'oeuvre. Il est tout à la fois : un roman historique qui relate les grands évènements de la guerre civile américaine ; un roman social qui fait la peinture des moeurs et des coutumes de la société du Sud ; un roman d'analyse qui décrit les sentiments des personnages principaux ; un roman d'amour qui élève au rang d'amants mythiques Scarlett et Rhett, enfin un roman avec une forte touche féministe.
C'est la fin, d'après l'auteure, d'une "civilisation". Nous mettrons ce terme entre guillemets car lui aussi est difficile à définir. Mais là n'est pas l'enjeu. Quoiqu'il en soit, c'est la fin d'un monde, celui du Sud, des grandes dames soumises et élégantes, des plantations, des noirs un peu bêtes mais si serviables, bref, c'est la fin d'un monde idyllique, régi par le code de l'honneur et des bonnes manières qui est remplacé par le monde cruel et amoral du Nord, dominé par l'argent, où les noirs deviennent insolents et paresseux. Derrière ce manichéisme un peu simplet se cachent des subtilités. Le Sud est une société figée dans un passé dont elle a fait son présent, une société qui emprisonne les femmes et les hommes dans des codes archaïques.
L'héroïne est peu sympathique : une fille à papa, pourrie gâtée, capricieuse, superficielle, égoïste et totalement inculte. Mais elle représente la société de son époque qui demande aux femmes d'être stupides et de feindre la fragilité. Scarlett, sous cette façade, étouffe. La guerre et la mort de ses parents font sauter le vernis. Elle se métamorphose, à la grande horreur de l'hypocrite société du Sud, en une femme d'affaires ambitieuse et sans scrupules. Le monde où il a grandi s'écroule, elle survit et réussit : on ne le lui pardonnera pas. Elle est brutale et arrogante. Son intelligence, sa détermination et son dynamisme forcent cependant le respect. Elle ne laisse pas tomber les gens qui comptent sur elle, même si elle tient peu compte d'eux : Mélanie, sa rivale, ses soeurs, ses tantes mesquines, la sotte Tante Pitty. Elle est totalement dépourvue de subtilité : elle ne comprend ni ne cherche à comprendre les personnes qui l'entourent et c'est ce qui lui fera rater sa vie entière. Enfant capricieuse et têtue jusqu'au bout, elle s'accroche aux rêves (celui de conquérir Ashley, son amour de jeunesse, celui de concilier les éthiques de l'ancienne et de la nouvelle société) et se méconnaît elle-même. Elle ouvre les yeux, trop tard, c'est l'échec complet, qu'importe ! Elle ne s'avoue pas vaincue. Elle poursuit le combat.
La structure du roman est classique : début in media res où la jeune fille décide de conquérir Ashley, retour dans le passé où la vie des parents de l'héroïne est décrite, puis retour à la jeune fille qui veut conquérir un homme, la vie passe, enfin une illumination, hélas tardive, et on recommence : on court après un homme, un autre. Bref, la boucle est bouclée et l'héroïne a beaucoup appris sans rien apprendre. Mais elle reste fidèle à elle-même. Forte et indomptable.