J’ai voulu mettre un point d’honneur à faire la critique du livre alors même que j’ai écrit quelques mots sur le film car, une fois n’est pas coutume, même si le film est grandiose, la version littéraire l’est d’autant plus.

Mitchell a grandi avec les récits de la guerre de Sécession que lui racontaient les anciens d’Atlanta, apprenant seulement à 10 ans que son Sud chéri avait perdu. Vous parlez d’un choc. Elle dépeint dans son récit, la disparition d’une société sudiste flamboyante et fière, qui tente de s’adapter à l’occupation Yankee… C'est un livre sur la survie (c'est elle qui l'a dit!).
Pour cela elle utilise principalement quatre personnages : Scarlett O’Hara, désormais célébrissime chieuse, Rhett Butler, profiteur de guerre à l’humour cynique, et le couple Mélanie et Ashley Wilkes, qui représentent à eux deux tout ce que le Vieux Sud symbolisait.

Là où le livre est supérieur au film, c’est bien dans la description de ce monde déchu et de ses personnages. Mitchell est une très grande conteuse, elle écrit dans un style simple, accessible à tous et rend son récit toujours très vivant. S’il ne décrit pas un quelconque événement de l’intrigue, il est plongé dans la conscience de Scarlett O’Hara, ce qui est tout aussi fascinant.
Beaucoup d’éléments ont été occultés dans le film, et notamment beaucoup de personnages cruciaux. Je dois dire que c’est génial de les découvrir, surtout quand on ne s’y attend pas, cela rend la lecture d’autant plus pertinente à mon avis ! (petit avant goût : Scarlett n’a pas un mais trois enfants, un avec chaque mari…) De plus, les différentes périodes sont plus longuement abordées. Avant la guerre, le séjour à Atlanta, le retour à Tara, le mariage avec Kennedy… Toutes ces phases sont beaucoup plus développées, on a vraiment l’occasion de se poser et de croire qu’on y est.
Il y a également beaucoup plus de face à face entre Scarlett et Rhett, ce qui permet de mieux s’imprégner de la psychologie des personnages et de leurs desseins, chose plus ardue dans le film. Il est vrai qu’en revoyant le film ensuite, on a l’impression de voir un résumé de chacune des étapes…

Scarlett est le point de vue principal de l’histoire. Il y a chez elle une lutte constante entre l’éducation sudiste bien comme il faut qu’elle a reçu de sa mère et son sens pratique qui lui dicte d’agir de façon peu scrupuleuse pour assurer sa survie. Elle fait partie des gens qui, dos au mur, ont su abandonner honneur et bienséance pour leur propre profit. Pour ma part, elle a beau faire fi de tout pour son propre bénéfice, il n’en reste pas moins que Scarlett incarne un modèle féministe avant l’heure. Elle refuse d’attendre que les hommes s’occupent d’elle et prend les choses en mains ! Hé bien oui quoi, il faut bien manger ! Elle se démène pour trouver de l’argent et nourrir les siens (et les Wilkes haha), et pour sauver la plantation de Tara (la terre c'est la seule chose qui dure!). Alors certes elle est égocentrique, hypocrite, manipulatrice et j’en passe, mais beaucoup lui doivent leur salut ! Et c’est pour ça que les gens adorent détester Scarlett. Il faut lui reconnaître une force de caractère admirable. Elle est beaucoup plus qu’une écervelée vénale. Avec Rhett ils constituent une belle paire de « canailles ».

Les Wilkes incarnent quand à eux le Sud immuable, ils sont incapables d’avancer, de trouver de nouveaux repères et de nouvelles perspectives. Ce côté nostalgique est surtout représenté par Ashley, toujours mélancolique et rêveur, jamais de sens pratique. Il est comme un vieux livre d’histoires que les grands parents raconteraient à leurs petits enfants comme étant « le bon vieux temps »… Ah les belles plantations de coton avec le rire des esclaves qui raisonnaient le soir au soleil couchant… Ce genre d’histoire quoi. Mélanie est quand à elle, la grande dame que Scarlett n’a jamais été, d’une bonté presque aveugle envers tous et surtout Scarlett.

Maintenant, le drame amoureux en lui-même. Je dirais qu’il est symptomatique des différences de tempérament évoquées plus haut. En effet, Scarlett a jeté son dévolu sur Ashley, bien qu’il soit le complet opposé d’elle-même et accessoirement, déjà marié à Mélanie la sainte. Elle le veut car c’est le seul qui lui ait résisté. Et pourtant, et c’est quelque chose de beaucoup plus développé dans le livre, JAMAIS il ne la rejette complètement. Il semble aimer chez elle une fureur de vivre qui lui manque. Il représente pour Scarlett tout ce qu’elle aurait voulu être mais n’a jamais été : la bonne éducation, la nonchalance, la culture… Elle semble davantage aimer une idée qu’elle se fait d’Ashley que lui-même réellement. En effet, à plusieurs reprises elle ne comprend pas le comportement de cet homme et ne l’approuve pas, mais elle persiste à lui trouver des excuses et à vouloir lui ressembler. Elle semble s’accrocher à un idéal de sa jeunesse, à une amourette de petite fille. Quelque part cet amour pour Ashley c’est la part de Scarlett qui refuse d’abandonner le Sud et le passé. Ashley représente le Vieux Sud mais Scarlett ne pourra jamais le conquérir car elle appartient, dans l'esprit, à Rhett: ils participent tout les deux à la destruction de ce Sud chéri. D’un autre côté, et c’est bien là le drame, jamais Ashley ne lui fait comprendre qu’il ne l’aimera jamais et n’éprouvera pour elle que du désir. C’est là qu’on lui en voudrait un peu quand même, parce que le roman s’étale sur 12 ans donc bon… Enfin passons…

Rhett quand à lui a toujours aimé Scarlett, sans jamais oser le dire complètement car elle est cruelle avec ceux qui l’aiment. Elle utilise cet amour pour blesser, sans aucune compassion pour son prochain. Cependant, elle apprécie Rhett car il est comme elle. Elle peut lui confier tout ce qu’elle veut, sans les faux-semblants de la bienséance. Elle entretient avec lui une relation houleuse, parsemée de moments de passion et de répliques cinglantes, culminant avec mariage et enfant. Pourtant jamais elle ne s’avouera amoureuse de lui (en tout cas elle le réalise bien tard). Il y a pourtant fort longtemps que le lecteur, lui, a compris et se demande comment est-ce qu’elle fait pour être aussi gourde et aimer une chiffe molle telle qu’Ashley… Rhett est le personnage qui évolue le plus au cours de l’histoire. En effet, si Scarlett reste fidèle à elle-même et ne se repend pas, ou presque, au fil des années, Rhett lui, change de comportement. D’abord profiteur de guerre sans scrupule ni vertu, il va ensuite devenir le plus attentionné des pères et des maris. Seulement l’autre pimbêche est trop stupide pour se rendre compte et le blesse coup sur coup. Leur fierté respective va les perdre.
Même si Scarlett n’est pas la seule à blâmer dans cette affaire, il faut bien avouer que son défaut le plus dramatique est celui de ne pas savoir juger la nature des gens et lire dans leur cœur.

Scarlett ne se tournera vers la rédemption qu'à la fin du récit, lorsqu’elle perd peu à peu tout ce qu’elle pensait être futile et s’est avéré pourtant être toute sa richesse. Mitchell nous quitte sur une fin cruelle, quoique sûrement méritée, et nous laisse imaginer ce qui peut advenir. Elle nous laisse là, à nos réflexions multiples, et nous tout ce qui nous vient à l’esprit c’est « Mon Dieu, MAIS POURQUOI !!!?? ».
Melly
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes , Les meilleurs livres avec une héroïne et Les meilleurs classiques de la littérature

Créée

le 25 sept. 2012

Modifiée

le 29 sept. 2012

Critique lue 1.4K fois

17 j'aime

8 commentaires

Melly

Écrit par

Critique lue 1.4K fois

17
8

D'autres avis sur Autant en emporte le vent

Autant en emporte le vent
Babalou
10

Critique de Autant en emporte le vent par Babalou

En ayant vu le film, on pourrait croire à une histoire d'amour simplette, à quelque chose de superficiel sans grand intérêt. Et pourtant, le livre a une puissance extraordinaire. L'adaptation est...

le 1 sept. 2010

25 j'aime

9

Autant en emporte le vent
Melly
10

Ce que ramène la brise...

J’ai voulu mettre un point d’honneur à faire la critique du livre alors même que j’ai écrit quelques mots sur le film car, une fois n’est pas coutume, même si le film est grandiose, la version...

le 25 sept. 2012

17 j'aime

8

Autant en emporte le vent
Notche
10

Critique de Autant en emporte le vent par Notche

noooooon pourquoi j'ai lu les dernières lignes de ce livre? pourquoi est-il fini? J'en veux encore des images de la Georgie, j'en veux encore de ces images de plantations, d'effervescences, de...

le 8 nov. 2011

11 j'aime

1

Du même critique

Les Suffragettes
Melly
7

Le féminisme n'est pas un gros mot

Ce qui est amusant, et surtout triste, en ces temps de renaissance des questionnements féministes, c’est de voir les journalistes demander aux actrices si elles le sont, féministes. Peut-être que je...

le 22 nov. 2015

100 j'aime

24

Indiscrétions
Melly
10

Les Dieux sont morts 2.0

J’ai décidé de réécrire cette critique parce que, rédigée il y a longtemps, je trouve qu’elle ne reflétait pas vraiment la raison de mon amour pour ce film. Quand je repense à Indiscrétions, ce qui...

le 21 févr. 2011

90 j'aime

14

Royal Affair
Melly
8

Mikkel Boe film!

Histoire véridique de Johann Struensee, médecin et ami du roi fou Christian VII de Danemark, qui deviendra l’amant de la reine Caroline Mathilde et usera de son influence peu à peu grandissante pour...

le 25 nov. 2012

89 j'aime

19