Margaret Mitchell m'a bien eue.

Je me suis surprise à enchaîner page après page, en maudissant chaque interruption. J'aurais aimé n'avoir ni famille, ni bébé, ni corps humain, pour ne devoir m'occuper de personne, ne pas me nourrir et ne jamais dormir. J'ai été happée par l'histoire, et je ne m'attendais certainement pas à ça de la part d'un roman de 1936, dont je savais uniquement qu'il se passait durant la guerre de Sécession et parlait d'une histoire d'amour entre Rhett Butler et Scarlett O'Hara. Je n'avais même aucun souvenir du film, étant donné que j'ai dû le voir une seule fois, à l'âge de dix ans. A peine quelques images vagues de l'incendie d'Atlanta.

J'ai tout simplement adoré. Moi qui ne suis pas fan des reconstitutions historiques trop verbeuses, j'ai dévoré les descriptions des batailles sans jamais m'ennuyer, peut-être parce qu'on voyait davantage les conséquences humaines que les stratégies militaires. Lire les disparitions successives des hommes, l'adoration pour la Cause malgré ses pertes, l'arrivée insidieuse de privations de plus en plus grandes m'a beaucoup intéressée.

C'est également très intéressant d'avoir le point de vue sudiste sur les droits des noirs. En tant que perdants du conflit, on en a logiquement retenu que le mauvais côté, l'esclavage, mais tout n'est pas aussi simple: ils étaient vraiment de bonne foi, convaincus que les noirs étaient "inférieurs", et les traitaient comme des enfants écervelés dont il fallait prendre soin. Il y a malgré tout une certaine forme de respect envers eux, encore une fois comme envers des enfants pas très intelligents, mais malgré tout ils avaient le sentiment de devoir veiller sur eux. Un peu plus loin dans le deuxième tome, il y a notamment une scène où une femme yankee refuse avec horreur l'idée d'une nounou noire pour ses enfants, parce qu'elle n'imagine pas faire entrer des noirs dans son foyer, et cela choque énormément Scarlett qui aime profondément Mama, a été élevée par elle, et lui porte beaucoup d'estime. Etre Yankee ne signifie pas pour autant ne pas être raciste! Lire "Autant en emporte le vent" ouvre donc les yeux sur ce paradoxe, et permet je pense de mieux comprendre la vision du monde qui les guidait.

En dehors de cette dimension historique, "Autant en emporte le vent", c'est évidemment Scarlett, cette tête à claque irrécupérable, calculatrice, égoïste, pas très cultivée mais forte, courageuse et inébranlable. Je suis restée partagée, tout au long de la lecture, entre l'agacement et l'admiration. Son obsession pénible pour Ashley, sa cruauté et son arrivisme me hérissaient le poil; mais les inépuisables ressources dont elle faisait preuve, le peu de cas qu'elle faisait des conventions et la place qu'elle s'est taillée à la force du poignet m'ont impressionnée. C'est vraiment un personnage génial, complexe et réaliste, qui laisse une impression peut-être très ambivalente mais certainement inoubliable.

Et puis il y a Rhett... Ah, Rhett! *insérez soupirs béats ici* Qui n'a pas craqué pour Rhett Butler, son cynisme, son élégance, son indépendance, et sa façon d'aimer éperdûment? Je ne vais même pas oser m'étendre sur ce personnage (euh attendez une minute... je crois que cette formulation peut prêter à confusion...) de crainte de passer pour une fangirl de bas étage. Ce que je suis, mais je n'assume pas complètement.

Je terminerai avec une brève note sur le film, dont j'ai regardé les dix premières minutes avant de partir en courant pour ne pas gâcher la vision que j'avais construite avec le roman. Je ne sais pas qui s'est chargé de la voix française de Scarlett et je ne veux pas le savoir, mais mes oreilles se sont mises spontanément à saigner et ont tenté de se suicider. Dans mon imagination, elle n'était pas agaçante à ce point. J'ai tout de même continué pour voir la tête d'Ashley Wilkes et là, le choc. Il n'était pas censé être séduisant, même rien qu'un peu? En revanche, Charles et Mélanie Hamilton étaient parfaits. Un jour, peut-être, je tenterai l'aventure, mais ma lecture était trop récente et trop magique pour que je gâche cette impression.

Je me demande d'ailleurs si on aura droit à un remake, un de ces jours... Hollywood aime bien les remakes, et le film commence à dater sérieusement. Mais peut-être qu'il s'agit d'un tel monument que personne n'osera y toucher!
Aelyse
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le 15 août 2013

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