Ayant d'abord découvert le remarquable film il y a déjà quelques années, c'est intrigué que je me lance dans les pages du livre de Margaret Mitchell, sorti trois années plus tôt et nous emmenant dans la Géorgie sudiste alors que l'on commence à sentir le vent de la Guerre de Sécession.
Il y a déjà une certaine précaution à prendre avant d'en dévorer les lignes, il faut bien savoir et prendre en compte, que le point de vue de l'auteure est sudiste et qu'elle a vécu la défaite et les conséquences pour eux de cette Guerre, où effectivement rien n'a plus été comme avant et qu'une époque a été emportée par le vent. Certains (rares tout de même) passages peuvent paraître, au pire, discriminatoires, mais j'imagine que c'était comme ça qu'une majorité des sudistes ont vécu ces événements.
Maintenant, il m'a bien été difficile de ne pas être emporté par le souffle de l'oeuvre, son ambiance, à la fois volontairement naïve, romantique, romanesque ou encore dramatique. On ne lit pas les événements, on les vit, et c'est là que le prix Pulitzer 1937 est une immense réussite, Margaret Mitchell décrit les péripéties avec conviction et authenticité, on croit à ce qu'il se passe et malgré que certains peuvent paraître très détestables, il est bien difficile de ne pas s'attacher aux personnages, de ne pas avoir une certaine affection pour eux, et surtout une compassion pour ce qui va leur arriver.
Autant en emporte le vent est aussi une histoire de défaite, à la fois celle d'une partie du pays, mais aussi d'une mentalité et évidemment des personnages. Une fois passée l'idyllique début, c'est tout un monde qui s'écroule et tombe en ruine, et on va suivre des êtres tentant de survivre, voyant leur proche décéder au fur et à mesure, mais cherchant toujours à se relever, ce qui peut aussi passer par des actes guère reluisants, loin de là même.
La force de l'oeuvre vient avant tout des personnages et d'abord Scarlett O'Hara, bien plus développée ici qu'elle ne l'est dans le film. Pendant tout le roman, elle n'en fera qu'à sa tête et cherchera à défendre ses intérêts, voyant même la mort de ses maris ne lui faire ni chaud ni froid, et pourtant, sa prise de conscience et ce qui suivra restent de grands et forts moments. Face à elle, Rhett Butler est à l'image de Clark Gable dans le film, charmeur, rusé, malséant en société, toujours avec de cinglantes répliques mais profondément amoureux, et finalement tout aussi attachant, à l'image de son évolution au fil du roman. L'auteure les décrit avec détail, elle est minutieuse et les rend passionnant, aussi grâce à un remarquable travail sur ceux secondaires, à l'image de Mélanie et Ashley.
L'oeuvre est très émouvante, mais aussi passionnante par son contexte, celui d'une Guerre, à l'image des stratégies employées, d'une civilisation tombant en ruine et même d'un cadre qu'elle décrit à merveille, assez pour stimuler notre imagination. Le style ne devient jamais lourd, les descriptions sont justes, approfondies sans en faire trop, tout comme les personnages alors que l'on trouve dans le roman une opposition entre deux mondes (les convictions, l'éducation...) plus qu'intéressante, tout comme elle montre les conséquences pour des gens qui doivent oublier tout ce qu'on leur a appris et s'imprégner de nouvelles valeurs.
Margaret Mitchell parvient à faire (re)vivre, à travers une forte, émouvante et passionnante histoire d'amour, un monde emporté par le vent, des âmes qui ont dû s'en sortir pendant la Guerre, réapprendre à vivre après l’écroulement de toutes les valeurs en lesquelles ils croyaient et dans lesquelles ils ont été éduqués.