Je ne sais pas s'il y a plus dans l'œuvre de Gertrude Stein que ce que je viens d'y lire étant donné qu'il s'agit là de ma première lecture. Mais s'il s'avère que tout le talent de Stein se résume à ce qu'elle fait dans ce livre, alors elle ne me convaincra pas de ce talent qu'elle claironne à tout bout de livre.


Ici, Stein écrit "l'Autobiographie" de son amie Alice B. Toklas, c'est à dire que, prenant le point de vue, supposé, de son amie, elle en profite pour ne parler que d'elle même, et à la troisième personne s'il vous plait, plaçant des "Gertrude Stein" un peu partout sans craindre, visiblement, de prendre un style trop lourd, presque écolier, et terriblement répétitif. Elle parle d'elle même comme de "l'auteur qui a créé le XXème siècle", ce qui en plus d'être incroyablement prétentieux me paraît assez faux.


Ce livre, qui serait donc révolutionnaire, et s'annonce, en quatrième de couverture, comme "le plus palpitant des An American in Paris" se révèle pour moi d'une vacuité sans borne. Un alignement de noms célèbres, Picasso, Matisse, Apollinaire, Aldrich (Mildred, pas Robert, mademoiselle n'aimant pas le cinéma), qui viennent rendre visite à l'auteur dans son atelier rue de Fleurus, à Paris donc. Nous savons si "Gertrude Stein liked (them) very much" ou si "Gertrude Stein didn't find (them) interesting", si ils se voient souvent ou pas, si ils discutent de littérature ou de peinture et où ils habitent, où ils vont en vacances d'été et avec qui. Une sorte de "Voici" ou "Gala" en plus chic en somme.


Nous avons des indications sur ce que Stein pense que doit-être la littérature, très vaguement, et comprenons qu'elle s'intéresse surtout aux portraits, de ses amis, d'objets, de sa famille, et qu'elle aime les "long sentences" sans virgules car c'est au lecteur de trouver sa respiration. Très moderne? Très vingtième siècle? Racine ou Corneille ne l'ont pas attendue pour ne pas mettre de virgules, ni Proust pour faire de longues phrases. Serait-ce le portrait qu'elle aurait révolutionné alors? Elle passe tellement d'une chose à l'autre, d'une personne à l'autre, que ses portraits se révèlent peau de chagrin, plutôt esquisses que chefs d'œuvres. La répétition alors? "A rose is a rose is a rose is a rose" c'est elle. Je ne peux ni affirmer ni confirmer qu'il s'agit là d'une répétition mais très franchement je n'en vois pas l'intérêt.


Ce qui me gêne avant tout c'est cette manière de se mettre en scène. Intitulé "Autobiography of Alice B. Toklas", le livre ne parle que très succinctement de son amie. Une vague contextualisation , et le reste se trouve centré autour de Stein, ses amis, ses admirateurs, ses habitudes, d'aucune (moi) dirait sa suffisance. Mais cette forme d'autobiographie déguisée ne laisse aucune place à un portrait en profondeur : Stein ne peut dépeindre précisément les états d'âmes de son amie, puisqu'elle n'est pas Alice Toklas, ni ses propres états d'âmes, puisqu'Alice Toklas est censée écrire.


Peut-être que cette profondeur viendra dans "Everybody's Autobiography", qui se veut son autobiographie et celle de tout le monde, oui toi là bas, et moi aussi. Ou pas. En tout cas si moi je conseille une autobiographie romancée "American in Paris", ce sera toujours la trilogie de La Crucifixion en Rose d'Henry Miller, même période à peu près, fréquentations tout aussi incroyables, mais tellement plus vivant.

EIA
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le 24 mars 2016

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