Autopsie d'un drame par loeilnoir

Sarah Vaughan nous propose une lecture à mi-chemin entre drame psychologique et thriller domestique. Ce roman porte bien son titre: l’auteure décortique avec précision les circonstances d’un drame ayant impacté un bébé et sa famille.

Liz Tranchard, pédiatre urgentiste à l’hôpital Saint-Joseph de Londres, reçoit un soir de Janvier 2018, le bébé d’une de ses amies: Betsey Curtis, 10 mois qui soufre d’une fracture de la boîte crânienne. Une lésion de ce type est inhabituelle pour un enfant de cet âge et nécessite une procédure auprès des services sociaux, d’autant plus que la maman apparait fuyante, sur la défensive, à l’opposé de l’assurance qu’elle affiche habituellement avec ses enfants. Certaines questions se posent très rapidement: pourquoi a t-elle attendu six heures avant d’emmener sa fille aux urgences, et encore sur l’insistance de son mari Ed? Les soupçons pèsent très vite : s’agit-il d’un accident ou d’un acte de maltraitance? Bien malgré elle, et sous la pression de son chef de service intransigeant, Liz informe les services sociaux du cas de Betsey. Une enquête va suivre, mettant en cause la mère de famille, qui n’est peut-être pas si parfaite que cela. Mais est-ce aussi simple?

Jess, Liz, Mel et Charlotte se sont connues à un cours de préparation à l’accouchement. Même si leurs relations sont moins fréquentes qu’auparavant, dix ans d’amitié, ça compte et ça ne s’efface pas d’un trait, y compris lorsque la situation est compliquée. Le récit alterne principalement entre le point de vue de Jess et celui de Liz. La première fait figure de mère de famille irréprochable qui a arrêté de travailler pour élever ses enfants et en assumer seule la responsabilité car son époux Ed, à l’inverse, ne jure que par son travail et ne lui est d’aucune aide à la maison: « les enfants étaient à peu de chose près le domaine réservé de Jess ». Un choix délibéré, y compris pour la naissance de la troisième enfant, Betsey. Liz quant à elle est une femme qui se bat sur tous les fronts depuis sa plus tendre enfance : un métier prenant, des enfants et un mari adorables, et une mère atteinte d’un cancer, dont il faut s’occuper en dépit de souvenirs douloureux. Liz vit le drame de Jess comme un écho à sa propre enfance difficile. En essayant de comprendre ce qui arrive à son amie, Liz fera la lumière sur le comportement de sa propre mère. Grâce à son personnage, nous découvrons le quotidien d’un médecin urgentiste, victime du sexisme et des injustices d’un chef de service abusif.

Ce récit fascinant fait froid dans le dos. Il rappelle à quel point être parent implique de responsabilités tant individuelles qu’au niveau du couple. Il pointe du doigt les dangers de la dépression post-partum et montre jusqu’à quel degré ce type de maladie peut dégénérer, et à quel point les conséquences d’un engrenage avec les services sociaux peuvent être graves. Lorsque l’on parle de maltraitance sur enfant, je pense à quelque chose de délibéré, une volonté consciente de punir, de faire souffrir son enfant comme on en voit quelques cas navrants dans les faits divers. Or la maltraitance vis à vis d’un enfant est beaucoup plus insidieuse qu’une violence verbale ou physique gratuite: on peut maltraiter un enfant sans le vouloir, ne serait-ce qu’en l’ignorant simplement. Même s’il jette un froid, ce roman peut être conseillé à tout jeune parent, car le sujet de la maltraitance y est bien traité. Le récit pourtant compact manque un peu d’intensité et se répète, tout en restant malgré tout addictif et surprenant jusqu’au bout.

Autopsie d’un drame est donc une lecture passionnante et divertissante sur un sujet intéressant. Je remercie Pierre Krause de Babelio ainsi que les Editions Préludes pour ce partenariat.